Chris5867- 05/01/2023

Rome est en Corse

Contrairement à ce que son (très beau) titre pourrait laisser croire, il n’est question dans « le sermon sur la chute de Rome » que d’une famille Corse, d’un jeune idéaliste et d’un bar perdu dans les hauteurs de Propriano. Il n’y a que dans son ultime chapitre qu’il est vraiment question du sermon de Saint Augustin et de la faiblesse des Empires qu’on croit éternel. Matthieu et Libero, deux jeunes amis corses, laissent tomber leurs prometteuses études de philosophie pour reprendre la gérance d’un bar dans le maquis corse. De ce petit troquet sans envergure, ils veulent faire un vrai petit paradis de joie de vivre et de convivialité. Et le succès arrive vite, leur petit bar devient lucratif, assez prisé par les touristes comme pas les locaux et ils semblent tenir leur affaire d’une main de maitre. Mais comme la glorieuse Rome en son temps, tout les empires, immenses comme minuscules, portent leurs déchéances en leur sein et finissent par mourir de leurs propres faiblesses. Ce roman, prix Goncourt 2012, est assez court mais pas franchement facile d’accès. Le récit s’alterne entre les aventures de Matthieu et Libéro dans leur bar corse avec la vie de Marcel, le grand père de Matthieu. Contrairement à son petit fils, il n’aura de cesse de chercher à s’éloigner de ses origines, de son île, de sa famille. Eternel insatisfait, il porte sa vie comme un fardeau dont il ne sait que faire, presque l’antithèse de son petit fils. On pense pendant longtemps que c’est dans le destin de Marcel que se trouve en germe l’échec (quasi inévitable) de l’entreprise de Matthieu, mais non… Les deux destins semblent être racontés de façon parallèle, comme les deux faces d’un miroir mais ne se heurtent finalement pas. Le parallèle le plus intéressant, mais pas le plus évident à cerner (c’est le moins qu’on puisse dire), c’est entre le bar de Libéro et Matthieu (construit sur des ambitions nobles, démocratiques, efficaces) et la République Romaine, et puis sa longue dérive vers les excès, les facilités, les outrances (comme l’Empire) pour finir par succomber à la violence (les invasions barbares). C’est en tout cas comme ça que je l’ai compris mais il n’est pas exclu que je fasse complètement fausse route ! Sans être passionnante, l’intrigue fonctionne si on prend le recul nécessaire. Ce qui, en revanche, ne fonctionne pas, c’est le style. Je m’explique : la quatrième de couverture (on dirait qu’elle a été écrite pour ne pas donner envie de lire le livre tellement elle est absconde !) promet « une écriture somptueuse d’exigence », carrément… Et bien, visiblement, avoir une écriture somptueuse c’est faire des phrases interminables (30 lignes, parfois plus, j’ai compté) et faire lire son lecteur en apnée ! Quand je pense qu’on apprend à l’école aux élèves à faire des phrases courtes dans leurs dissertations, il faut croire que s’ils veulent un Goncourt, il faut leur laisser faire des phrases à n’en plus finir, avec 40 virgules et autant de digressions ! Sans être rédhibitoire, ce défaut laisse une impression désagréable sur la lectrice lambda que je suis.