« Il y a deux sortes de pitié. L'une, molle et sentimentale, qui n'est en réalité que l'impatience du cœur de se débarrasser au plus vite de la pénible émotion qui vous étreint devant la souffrance d'autrui, cette pitié qui n'est pas du tout la compassion, mais un mouvement instinctif de défense de l'âme contre la souffrance étrangère. Et l'autre, la seule qui compte, la pitié non sentimentale mais créatrice, qui sait ce qu'elle veut et est décidée à persévérer avec patience et tolérance jusqu'à l'extrême limite de ses forces, et même au-delà. »
Le destin du jeune officier Anton Hofmiller – basé dans une ville de garnison de l’ancien empire austro-hongrois à la veille du premier conflit mondial – va basculer après avoir accepté l’invitation du riche notable Kekesfalva en sa demeure.
Impressionné par les convives de cette soirée, lui, le timide officier de basse extraction, commet un malheureux impair en invitant à danser Édith, la jeune fille paralytique du riche propriétaire des lieux.
Conscient de sa méprise et envahit par un immense sentiment de culpabilité, il n’aura de cesse de tenter de réparer sa bévue. D’abord en visitant régulièrement la jeune fille, faisant naître chez elle un sentiment amoureux qu’il n’est pas en mesure de partager. Puis dans la promesse illusoire d’un traitement miracle qui redonnerait l’usage de ses jambes à la malheureuse. Enchevêtré dans ses mensonges et se refusant de briser les illusions d’un être ainsi diminué. Le prix à payer de la pitié pourrait s’avérer trop lourd à supporter.
Avec « La Pitié dangereuse ou l’impatience du cœur » Stefan Zweig signe son unique roman, paru en 1939 pendant son exil à Londres. J’ai déjà à maintes reprises exprimé mon admiration pour son œuvre littéraire. Son acuité psychologique qu’il retranscrit dans des histoires où la confusion des sentiments des personnages engendre toujours son lot de drames.
Il souligne ici une tendance universelle qu’a l’être humain d’user d’une pitié excessive pour des situations qui sont hors de son contrôle. Et bien souvent, pour correspondre à un comportement attendu par les normes sociales. Cette pitié qui n’a rien à voir avec une quelconque forme d’empathie, mais qui est davantage une manière de signaler inutilement sa vertu dans une situation que l’on juge inconfortable ou contraire aux bonnes mœurs.
Un roman à la thématique universelle et terriblement contemporaine. Et avec son Marie-Antoinette, probablement le livre que j’estime le plus dans son immense production littéraire.
Du mauvais emploi de la pitié
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