Lecoindesmots- 01/07/2021

Amitié et bourgeoisie

Ils en ont, de la chance, les bourgeois. Un magnifique et immense appartement à Paris, une villa chic en Normandie, des vacances à l’étranger, des clubs huppés dans lesquels envoyer leurs enfants pour être certains de rester dans cet entre-soi si cher à leur cœur. Il ne s’agirait pas de laisser n’importe qui entrer dans la famille. Ils en ont de la chance. En apparence. Parce que derrière les voiles sur mesures qui couvrent les hautes fenêtres de ces bâtisses autour du jardin du Luxembourg, la vie n’est pas aussi belle qu’il n’y parait. La bourgeoisie, aussi, meurt de cancers. Chez eux aussi, les amitiés se font et se défont sur fond de jalousie mal placée. On idéalise l’autre, le parquet est toujours mieux lustré dans l’appartement d’à côté. Héloïse et Esther sont amies depuis leur plus tendre enfance. Si Héloïse est issue d’une longue lignée de bourgeois, Esther, elle, fait partie des « nouveaux riches ». Et si pour les néophytes les deux jeunes filles sont issues du même milieu, il n’en est rien lorsque l’on connaît les us et coutumes de cette classe sociale. Amies depuis leur plus tendre enfance, elles se jalousent et se manquent, s’estiment et se dénigrent. C’est l’amitié, quoi. Le « je t’aime, moi non plus! ». Seulement voilà, Héloïse est morte, bien trop tôt, laissant derrière elle une Esther perdue, qui n’a plus que ses souvenirs pour se rendre compte de la relation incroyable qu’elle a pu nouer avec Héloïse ces cinquante dernières années. Ce court récit est une petite merveille qui décrit avec beaucoup de justesse et de finesse ce qu’est l’amitié et comment ce sentiment nous permet de nous construire et d’évoluer. Mais Colombe Schneck nous livre également une description à la fois piquante et pince-sans-rire de la bourgeoisie d’hier et d’aujourd’hui. Une pépite littéraire à ne pas manquer. Un coup de cœur.