Syfi30- 28/02/2024

Œuvre de mémoire

Ce livre est indispensable alors que 2024 est l’année de la 30eme commémoration du génocide rwandais. Ou plutôt, comme le souligne l’autrice : du génocide Tutsi. Par le prisme de l’image, ce récit livre un travail remarquable sur le devoir de mémoire. Elle commence par la mémoire individuelle, tentant de retrouver l’image manquante : celle où sa mère et elle apparaîtraient alors qu’elle s’apprêtaient à passer la frontière du Burundi, comme pour donner une réalité à ce qui lui est arrivé, pour se sentir légitime comme survivante. Puis le texte glisse vers la mémoire collective. Ce récit aborde un épisode du genocide rwandais que je ne connaissais pas : le sauvetages des enfants par des organisations humanitaires. Beata Umubyeyi Mairesse rend à ces personnes un hommage bouleversant, par leur courage, leur détermination à soustraire à la barbarie ces êtres humains, d’autant qu’ils ont pris le risque de les transporter sa mère et elle, alors qu’ils avaient l’autorisation de ne sortir du pays que les enfants de moins de 12 ans. Au fil de cette enquête menée avec une grande détermination, l’autrice multiplie les réflexions. Elle interroge sur le droit à l’image, sur la diffusion d’images par les journalistes sans le consentement des personnes filmées ou photographiées. Quand Beata demande à les visionner, les médias et les autorités refusent, opposant un droit à la confidentialité… Elle interroge également de façon très actuelle sur la manipulation des images et l’interprétation que le monde occidental en fait. « Le convoi » est une quête remarquable sur la mémoire, la reappropriation de son histoire et la reprise de parole des victimes