OlivierP- 24/02/2023

Envoûtant

J'ai été presque envoûté par le roman de Jón Kalman Stefánsson « Ton absence n'est que ténèbres ». C'est l'histoire d'un homme qui revient à lui dans une église au fin fond d'un fjord du nord-ouest de l'Islande après avoir perdu la mémoire. Heureusement pour lui, et pour nous, il n'est pas en terre inconnue : des villageois le reconnaissent, le désignent comme « l'écrivain » et au fil des conversations comme des pages qu'il noircit frénétiquement c'est une bonne partie de l'histoire de ce coin reculé de l'île qui se dévoile peu à peu. Paysages terrestres ou maritimes, hommes ou femmes, vieillards ou enfants, paysans, pêcheurs, commerçants, pasteurs ou intellectuels, et même des animaux sans oublier la météo (le froid, le vent, le soleil, la nuit): les descriptions foisonnent, traçant un portrait kaléidoscopique de l'Islande sur plus d'une centaine d'années : le héros y retrouvera-t-il son identité, sa mémoire au moins? Rien n'est moins sûr mais ça n'est pas très important, le but compte moins que le chemin. Le livre fait habilement appel à plusieurs modes d'écriture alternés: le récit, le conte, le monologue intérieur, la confession, la poésie, la correspondance etc. La musique rythme une bonne partie du roman et il y a même une playlist à la fin du livre (que l'on peut aussi trouver sur Spotify). La narration n'est pas linéaire mais alterne entre le passé plus ou moins lointain et le présent. Evidemment on s'y perd parfois un peu avec les noms de personnes ou de lieux, qui ne nous sont pas familiers mais c'est presque délicieux de revenir en arrière pour tenter de recoller les morceaux lorsque par extraordinaire l'auteur ne nous donne pas un coup de main avec quelques indices. Les personnages, les lieux, les situations sont méticuleusement exposés. C'est un livre à savourer.