Magnétique et nonchalante, Anne-Marie Stretter incarne le désir dans l'œuvre durassienne. Elle n'est pas l'héroïne principale, celle qui ressemble de près ou de loin à Duras elle-même, mais elle est l'autre, l'autre pour qui les hommes sont prêts à donner tout ce qu'ils possèdent. En effet, deux ans après la publication du Ravissement de Lol V. Stein en 1964, Marguerite Duras revient plus précisément sur la destinée d'Anne-Marie Stretter et sa vie à Calcutta en tant que femme d'ambassadeur, caractérisée par sa liberté morale et sexuelle. C'est elle qui rayonne dans Le Vice-Consul. Ce n'est pas ce dernier qui tient l'œuvre sur ses épaules. Il n'est qu'un prétexte : l'ex vice-consul de France à Lahore qui y a commis tant d'horreurs est la cible des ragots et des rumeurs du cercle diplomatique de Calcutta, pour autant, c'est Anne-Marie Stretter qui décide des lieux, des humeurs, des désirs, ceux des hommes. Puis enfin, la misérable, celle qui était nécessaire pour habiller l'Antithèse de l'œuvre durassienne entre luxe et pauvreté : la mendiante vagabonde. Elle n'a pas de nom mais elle reprend les caractéristiques des femmes de Duras : la folie, l'ostracisme, le péché, la faim, le baby blues chronique, la nudité. Dans un récit ni tout à fait enchâssé, ni tout à fait principal, la jeune fille parcourt le Mékong, le Gange, les villages, les carrières, les marchés, les lieux, matériau si cher à Duras. Elle le dit elle-même : c'est avant tout sur les lieux que Duras écrit. C'est alors le sentiment d'exclusion qui résonne à fond dans ce roman, à la fois celui de la jeune fille qui chante, celui du vice-consul qui attend son affectation ou peut-être de l'affection tout simplement, mais aussi celui du lecteur. Victime des non-dits et de l'objectivité narrative paroxystique, le lecteur est, pour sûr, en décalage avec ces personnages irréels flirtant entre poésie vindicative et prose assourdissante. Une chose est certaine : Duras ne cesse de renouveler le triangle mimétique dans une œuvre privée de jouissance, où l'on entend les pas lourds de l'impuissance et de la frustration. Le récit en tant que récit demeure la force malléable et protéiforme de Marguerite Duras.
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Rosamonde Herondale
Bonjour, je ne savais pas que Marguerite Duras avait fait apparaître Anne-Marie Stretter dans un autre roman ! Je n'ai lu que Le ravissement de Lol V. Stein
Dans la mousson, la frustration
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Rosamonde Herondale
Bonjour, je ne savais pas que Marguerite Duras avait fait apparaître Anne-Marie Stretter dans un autre roman ! Je n'ai lu que Le ravissement de Lol V. Stein
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