La popularité de ce livre sur Gleeph
Résumé
« Il semble, à lire la plupart des penseurs, écrivains ou philosophes, que pauvre et pauvreté se mêlent, se recouvrent, et plus précisément, que l'attention théorique ou littéraire portée aux pauvres soit un écran qui dissimule la question de la pauvreté. Il faut noter que la théorie n'est en rien le reflet de la pratique : si la pauvreté est refoulée dans les textes théoriques, elle n'est nullement niée dans la pratique, et fait, tout au contraire, l'objet de traitements spécifiques et d'organisations méticuleuses. [...] Ce rapport affectif contrasté, où se mêlent la pitié, le mépris, le droit, l'imitation, sera "noyé dans les eaux glacées du calcul égoïste" au cours du capitalisme naissant. La pauvreté déserte les émotions et s'installe dans la comptabilité, elle devient un réservoir de richesses inexploitées, une sorte de matière première qu'il faut transformer, hors du droit, de la morale et de la compassion. Mais cette chosification est rarement présentée en ces termes : l'idéologie nouvelle endosse les vieux habits spirituels et justifie sa brutalité en termes de morale, de nature et de droits. Pour cela il lui faut négliger la pauvreté massive pour se focaliser sur la figure singulière du pauvre, son identité psychique, ses vices, sa vie répugnante, l'état piteux de ses enfants négligés... Cette figure individuelle est le support de l'opération qui condamne sa « paresse », voire sa malhonnêteté. » Extrait de l'introduction d'Yves Vargas et de Norbert Lenoir