Les furies de Hitler : comment les femmes allemandes ont participé à la Shoah

La lecture de ce livre est éprouvante mais nécessaire, comme c'est le cas pour bien d'autres livres concernant la destruction des juifs d'Europe. En plus des horreurs de la Shoah qu'il décrit, plusieurs faits sont à la réflexion particulièrement dérangeants.  Le premier est l'extrême jeunesse des oppresseurs nazis et en particulier celle des femmes qui participèrent, qui avaient entre dix-huit et vingt-cinq ans entre 1933 et 1943.  Le second est que ces femmes tueuses étaient pour beaucoup d'entre elles des enseignantes, des assistantes sociales et des infirmières, occupant des professions habituellement vouées à prendre soin des autres. Le livre décrit bien la machine de guerre nazie et son organisation de destruction s'appuyant sur une propagande et un lavage des cerveaux ayant précipité toute une génération dans le passage à l'acte destructeur. Mais toutes les explications n'arrivent pas à rendre imaginable le fait qu'une mère puisse tuer des enfants de ses propres mains. Cette histoire et ces témoignages réfutent l'idée que la violence n'est pas une caractéristique féminine et que les femmes ne seraient pas capables de meurtres de masse. L'ouvrage de l'historienne Wendy Lower est bien entendu nuancé et documenté, distinguant parmi ces furies de Hitler les témoins, les complices et les exécutantes : mais la gradation n'en est que plus insupportable. Une autre chose est dérangeante et inquiétante dans ce livre : c'est la description du contexte de l'époque qu'on ne peut s'empêcher de comparer avec notre époque contemporaine.  Au lecteur, à la lectrice de juger, voici un extrait du livre :  "Sous la république de Weimar, mouvements populistes, groupes d'autodéfense et partis de toutes sortes proliférèrent. À Munich, au début des années 1920, le parti nazi naissant n'était qu'une des quarante formations politiques de ce type, dont la plupart se qualifiaient de völkisch, "du peuple", le peuple en question désignant en l'occurrence exclusivement les Allemands. Ces mouvements populaires étaient radicalement nationalistes, xénophobes et antisémites. Fondant leur unité sur la base du racisme, ils rejetaient le libéralisme et la démocratie parlementaire dans lesquelles ils voyaient une immixtion étrangère dans un mode de vie allemand fantasmé, où l'ordre et la paix étaient censés régner. S'inspirant d'une vision romantique du passé, ceux qui exaltaient le Volk le "peuple" - prônaient l'union du sol et du sang allemands et la résolution inébranlable du guerrier."