L'effet maternel

Une autobiographie introspective qui m'a fait pleurer à chaude larme. Une trajectoire de fille des années 70, qui grandit et tente à tout prix de s'émanciper de sa mère avec qui elle entretient une relation mi-fusionnelle mi-conflictuelle, puis d'une mère célibataire au XXIe qui a refusé d'avorter quand le père le lui a demandé. Elle est une héroïne de film d'Agnès Varda. En nous emportant dans son histoire personnelle et familiale, mais aussi l'histoire de notre pays avec la Shoah et mai 68, les combats féministes dans l'intime comme le politique (car c'est la même chose), elle tisse finalement un récit universel. Moi qui ne suis pas de sa génération ni de sa classe sociale ni des mêmes origines, j'ai senti vibrer ses questionnements, ses doutes, ses fiertés, fort en moi. Et ce magnifique mot de la fin : "L'effet maternel ne touchera pas les descendants des descendants."

Savoir que sa mère et le géniteur de sa fille ont intenté un procès pour qu elle enlève les pages les concernant m’a bien donné envie de lire ce livre et bien m’en a pris! Un récit autobiographique puissant où la mère se révèle castratrice, égocentrique et destructrice. Un cri du coeur d’une fille envers celle qui l’a mise au monde et qui s’en est servie puis détachée.

Ce récit est celui de plusieurs générations, grands mères et grands pères, parents, soi puis ses enfants parlé par l’auteure elle-même. Le désir maternel, la féminité, la maternité, l’amour… Il y a tellement de choses qui peuvent passer de l’une à l’autre… en se racontant ainsi, comme on le ferait en analyse, on se défait de ses noeuds qui ne nous appartiennent pas mais dont on hérite, qu’on nous donne à faire et défaire avec. Oui, ce récit est « universel », j’y reconnais un peu de moi, de ce qui me traverse.

sur les relations mères filles avec un parcours tourmenté lié à une forte hérédité

C’était en 2008. Une météorite comme il en tombe parfois sur la planète littérature. Son titre ? « Le jour où mon père s’est tu ». Soit l’histoire par sa propre fille, Virginie, documentariste de son état, de Robert Linhart. Un brillant étudiant, l’un des initiateurs de 68 et qui, après les événements de mai, sera de ces jeunes idéalistes partis travailler en usine pour se rapprocher du prolétariat. Il en reviendra avec du prolétariat. Il en reviendra avec les désillusions que l’on imagine et tout de même un très beau livre devenu culte pour sa génération, « L’Établi ». Et puis un jour, des années plus tard, victime d’une grave dépression, ce père s’est tu et n’est plus sorti de son silence, cessant en quelque sorte, en même temps que de parler, de vivre. Ce « Jour où... » aurait suffi à faire à ja- mais de Virginie Linhart un écrivain ; le suivant, « La Vie après », consacré à la génération de ses grands-parents paternels rescapés des camps de la mort et au silence, aussi, qu’ils s’imposèrent à leur retour, vint brillamment le confirmer. Poursuivant dans cette veine familiale (à la différence qu’elle y emploie pour la première fois le « je » du récit autofictif), « L’Effet maternel », qu’elle publie en ce début d’année, n’en est pas moins impressionnant. D’âpreté et de courage surtout. Apprivoiser sa liberté De quoi est-il cette fois-ci question ? De la mère, bien sûr ; celle de l’au- teure, mais aussi à travers elle, en- fant libertaire de ces « folles » années 1970, femme d’une beauté renver- sante, d’un « confusionnisme moral » qui ne l’est pas moins et d’une volonté de laisser passer le « soi » avant toute chose ; de ce que c’est que de l’être, de le demeurer, de le vivre ou non, d’apprivoiser sa liberté dans ce cadre. De ce que c’est qu’ai- mer, en somme. Que l’on n’attende toutefois pas de Virginie Linhart, qui écrit en fin de volume ces lignes « À travers ce nouveau récit, j’ai le sentiment, non seulement de reprendre en main les cartes de ma destinée, mais aussi de comprendre l’entremêlement entre une époque et une famille, d’intro- duire du collectif dans un parcours singulier », un quelconque manuel de la maternité plus ou moins heu- reuse (ou non). Elle ne se pose pas en exemple, essaie juste de dénouer les fils de ce qui, dans son histoire, peut faire écho à celle d’une génération comme à celle de son dévoiement. Une femme « exagérée » Cette réflexion (car c’en est aussi une) ne relève pas de la sociologie, mais bien en l’occurrence de la littérature. Peut-être parce que les personnages qui apparaissent et trop souvent disparaissent dans cet « Effet maternel » sont aussi bien dessinés. À commencer par celui de cette « femme et mère exagérée » qui, toute sa vie, recherchera moins le pardon que l’attention. Peut-être, aussi, parce que les questions de désir et de sexe sont ici si présentes, avec une énergie qui est, pour l’écrivain comme pour son personnage, bien souvent celle du désespoir. Qu’en restera-t-il à la fin ? Des filles et des mères sur trois générations, non réconciliées, mais vivantes. Et la tentation d’un calembour lacanien : la mère est amère...