Walicho

La liste s'allonge. De ce qui est censé être fait. De ce qui arrive et semble indispensable. Ça s'accumule, comme une montagne qui pousse à chaque pensée. Moins on peut faire, plus on en ajoute. Ce monstre de culpabilité dévore l’espace, change le rôle de ceux qui nous entourent, les transformant en victimes de notre incapacité, alors qu’ils sont acteurs de notre noyade. Une spirale infernale difficile à briser, comme un sortilège. Walicho signifie "Sortilège" en argentin. Ici aussi, on a vite le tournis en feuilletant les pages, face à l’impossibilité de sortir d’une situation. Peu importe qu’il s’agisse d’un conte où le surnaturel s’en mêle. Ça tourne, ça tourne, jusqu'à l’œil du tourbillon où tout finit englouti. On voyage à travers les époques, autour d’une même malédiction. Difficile de choisir entre les 3 sœurs, plus ou moins sorcières (ce qui les rend sympathiques) et ceux qu'elles engloutissent. Elles semblent être là pour protéger les femmes des normes patriarcales, mais c'est une protection perverse. Il y a un coût d'innocent pour que le maléfice /protection fonctionne. À travers 9 chapitres, Sole Otero nous pousse à réfléchir sur le machisme ambiant et la nécessaire émancipation féminine. C’est une vraie satire sociale, un manifeste féministe aux couleurs mystiques, dans un style typiquement sud-américain. C’est graphiquement sublime, très divers en fonction des périodes et situations. Une autre forme de voyage dans les planches, tantôt colorées, tantôt monochromes. Au final, on referme ce lourd album (376 pages) sans trop savoir si on pourra briser la spirale. La chute, d’ailleurs, ne nous aide pas vraiment à y croire. Quand il y a trop à faire, prévoir ou subir, l’entourage doit prendre le relais pour atténuer l’infernal. Dans ce conte, certains tentent, réfléchissent, essaient de trouver la bonne manière d’agir. Pour les autres, bye. À lire en buvant un verre de chicha, pour souffler un peu.

Un moment que j’ai apprécié, et qui mine de rien vous occupera un certains temps vu la grosseur de cette BD. On se laisse emporter au rythme de ces histoires loufoques, et même si au départ on peut être un peu frileux, au final la magie (obscure) joue de sa malice pour vous envoûter. P’tit bonus pour les graphismes.