Un monde flamboyant

À nouveau avec Siri Husdvedt, un bouquin d'une grande profondeur a la fois intellectuelle et émotionnelle. Une réflexion incroyablement riche sur la quête d'identité à travers les rencontres et les rapports humains, profondément sincères ou passablement superficiels. Une galerie de personnages hauts en couleurs, auxquels on s'attache très vite, et qui remettent en question nos fondements personnels. Encore une oeuvre qui me marque pour longtemps et qui m'aura nourri autant qu'ému aux larmes.

So œuvre: Masquages: 3 expositions: Histoire de l’art occidental, Chambres de suffocation, Au-dessous. - 3personnalités poétisées ( 3 hommes représentant l’auteur ) - une expérience créatrice singulière et mystificatrice. Le sexisme dans le monde de l’art - la souffrance et la solitude de cette artiste non reconnue. Femme fascinante, complexe, attachante, dévoilée peu à peu dans ses multiples facettes par la construction -témoignages écrits de personnes proches, et de fragments de ses carnets et Mémoires. Construction romanesque à tiroirs et mise en abyme. Écriture en accord avec son « personnage ». Livre que j’ai beaucoup aimé qui me donne envie d’approfondir ma connaissance des artistes, mouvements culturels de cette période - décennies fin année 1990 et début 2000. J’ai associé cette artiste à Louise Bourgeois et aussi à Annette Messager autres artistes plasticiennes. Consulter l’article de DIACRITIK sur Siri Hustveldt à propos de ce livre Un Monde flamboyant

Tout au long de la lecture, ce livre a accompagné mes journées même quand je ne le lisais pas. J’ai trouvé les personnages édifiants, surtout Harriet et puis la personnalité de ce Rune. L’histoire, le monde de l’art, la façon dont on peut vivre avec une force créatrice, ce besoin de communiquer par l’art, être une femme dans le monde et dans le monde de l’art en particulier,la construction de la narration de l’auteure. Tout m’a plu. Je regrette déjà de l’avoir fini si vite. Voici quelques passages que je souhaite garder en tête : « Ce furent des bébés que j’adorais regarder, les petits Lord, délices sensuels de chair dodue et de fluides divers. Pendant au moins trois ans je vécus inondée de lait, de caca, de pipi, de vomi, de sueur et de larmes. C’était le paradis. C’était épuisant. C’était assommant. C’était doux, c’était excitant et parfois, curieusement, je me sentais très seule. » « Elle débordait de sérieux. S’il y a une chose qui ne marche pas dans le monde de l’art, c’est l’excès de sincérité. Ce qui plaît, c’est le génie timide, ou décontracté, ou ivre et cherchant la bagarre au Cedar bar, ça dépend des époques. » « Devinette : qu’est-ce qui est si fragile que même dire son nom peut le briser ? Le silence… F. L., Pater familias, m’a posé cette énigme quand j’avais neuf ans. Je n’ai pas pu lui répondre, mais une fois qu’ils m’en eut révélé le secret, je n’arrêtais plus de penser à la réponse. Couché dans mon lit, je répétais « silence » encore et encore, pour l’entendre casser. » « Les critiques de tout acabit aiment avoir l’impression de dominer l’œuvre d’art. Si elle les intrigue ou les intimide, il est plus que probable qu’il la dénigreront. Beaucoup d’artistes ne sont pas des intellectuels, mais Burden en était une, et son œuvre reflétait son immense culture. Elle glanait ses références dans des domaines multiples et il était souvent impossible de remonter à leurs origines. Son art avait aussi un caractère littéraire, narratif, qui rebutait beaucoup de monde. Je suis convaincu que sa seule érudition agissait comme un irritant sur certains critiques. » « Après la mort de sa mère, mon père me montrait un album avec des photographies de ses parents et quelques coupures de presse qu’il avait rapporté de Paris. Je vis combien ma grand-mère avait été belle. « Elle tenait sa cour », me dit-il. Elle était doué pour les langues et parler français, italien, anglais, un peu de cantonais et, bien sûr, thaï. Mais, où qu’ils aillent, racontait mon père, elle en apprenait juste assez pour dire quelque chose de charmant et séduire un invité. « Elle était intelligente, mais n’approfondissez pas. Ce qui comptait, c’était l’effet, pas la connaissance. Très mondaine. » Et puis il m’a dit quelque chose que je n’ai jamais oublier. « En ce sens, je suis comme ma mère. Mais je suis tombé amoureux de la tienne parce qu’elle est exactement le contraire. Elle est profonde et consciencieuse et ne se soucie que des questions auxquelles elle essaie de répondre pour elle-même. Le monde n’a guère l’usage de gens comme ta mère, mais son heure viendra. » « […] Anton m’a dit qu’il ressentait combien rien importe personnellement, combien la voie personnelle est fausse. Mien et tien se valent. Mien et tien, c’est la même chose. Rien ne nous appartient vraiment dans cette vie, et l’art non plus n’appartient à personne. L’art ne devrait pas être affaire de nom ni de vente ; il devrait nous entraîner à progresser sur notre chemin vers une compréhension supérieure. » « Rune avait ce quelque chose. Quoi que ce soit, c’est quelque chose que vous pouvez sentir dans une pièce, une verve animale , une séduction où entre un peu de sexualité, mais ce n’est pas une sexualité personnelle. Il ne séduisait personne. Il séduisait tout le monde, et c’est très différent. » « Je remarque toujours combien les gens qui assistent à un vernissage semblent faire peu de cas des œuvres. Certains leur jettent à peine un coup d’œil. D’autres se plantent devant l’une d’elle et la contemplent un moment, mais sans que leur visage exprime quoi que ce soit - un vide. » « Nous sommes toujours en train de concocter des théories sur les façons dont va le monde et les raisons pour lesquelles les gens agissent comme ils le font. Nous leur inventons des motifs, comme s’il nous était possible de les connaître, mais le plus souvent ces explications sont comme de fragiles décors de cartons que nous dressons devant la réalité parce qu’ils sont plus simples et moins perturbant que ce qui s’y trouve réellement. » « Je veux flamber et gronder et rugir. Je veux me cacher et pleurer et m’accrocher à ma mère. Mais nous en sommes tous là. »