La popularité de ce livre sur Gleeph
Résumé
Robert Frost (1874-1963) a sans doute été au XXe siècle le poète des Etats-Unis le plus lu et célébré en son pays. Il est pourtant inconnu en France. Pourquoi cette indifférence ? Au temps du vers libre, il reste attaché à la tradition anglophone de la métrique poétique accentuelle. Sa distance à l'égard de l'engagement politique et de la civilisation moderne l'expose à la critique des collectifs progressistes, mais contribue à expliquer son importante popularité. Son inspiration est principalement « naturaliste », dans la tradition américaine d'Emerson et Thoreau ; le plus souvent la nature est celle, sévère, de la Nouvelle-Angleterre aux hameaux clairsemés : l'individu seul médite son rapport à et dans un univers mouvant et permanent à la fois. Il est « réservé à Dieu de la sanctifier pour ses lointains mobiles », mais Dieu y est absent pour l'homme, Frost le constate Stoïquement, sans plainte. Point chez lui de rêve platonicien d'un autre monde plus parfait. Dans la confusion de ce monde-ci - le seul qui nous soit donné -, beau, triste, incertain et terrible tout à la fois, le poème est réconfort car il est forme par opposition au chaos naturel apparent : « Que le chaos tempête! / Que les silhouettes des nuages s'amassent! / J'attends la forme. » Cette forme est le corps physique du poème rendant compte d'un ordre au sein du chaos : « Fabriquer de petits poèmes encourage un homme à voir qu'il y a forme dans le monde. Un poème est un arrêt du désordre. » Parce que « le langage n'existe vraiment que dans les bouches des hommes », la forme recherchée est d'abord aurale : « le son du sens, la vitalité abstraite de notre parole ».