Ecrits corsaires

Difficulté : 2/5 Les Écrits corsaires constituent un recueil d'articles de presse que Pasolini avait écrits entre 1973 et 1975. Le livre traite des changements anthropologiques à l'oeuvre en Italie à ce moment là, bien qu'à certains égards les critiques émises soient valables pour toute l'aire culturelle occidentale. La lecture est rendue un peu difficile car il y a dans le tas beaucoup de choses peu intéressantes pour un francophone aujourd'hui, relatant des évènements et des personnages oubliés ou jamais connus chez nous. Disons que le caractère intemporel du bouquin réside dans la manière dont Pasolini décrit l'irruption du consumérisme dans la société italienne et comment son incidence ringardise les oppositions politiques traditionnelles portées par le fascisme, le communisme et la démocratie chrétienne. Elles sont dépassées par l'hédonisme généralisé qui suscite dans les masses une adhésion bien plus grande que l'ancien fascisme «à la dure». La consommation réalise le rêve du fascisme (l'imposition d'un ordre donné) et du communisme (l'accès au confort et au bien-être pour tous), sans coercition et les dépasse respectivement par leur droite et leur gauche. Ce faisant, Pasolini envoie par exemple quelques piques aux communistes qui croyaient voir dans le recul de la démocratie chrétienne, en tant que continuatrice de l'ordre fasciste, une avancée du communisme sur ce qu'était le fascisme comme némésis du communisme. Ces gens là étaient et sont encore à côté de la plaque, d'autant plus qu'ils affectent un antifascisme ostentatoire contre un fascisme qui n'existe plus. L'idéologie de la consommation a investi les champs de bataille culturels habituels de la gauche et celle-ci n'a pu que s'y annexer pour tenter d'exister, avec l'arrogance et le triomphalisme qu'on lui connaît. L'adoption des codes du système de consommation, sous couvert de renverser les conventions du vieux monde, instille le snobisme jusques dans les pays pauvres par les enfants de riche pour se démarquer. La gauche fait donc office d'idiot utile qui n'agit que dans le strict cadre de tolérance du pouvoir insidieux de la consommation. Pasolini prend l'exemple des personnes arborant des cheveux longs. Aujourd'hui cela s'appliquerait bien au gauchisme, à l'idéologie LGBT et son désir d'avoir davantage de représentation dans l'espace de la consommation (plus de minorités dans les publicités entre autres). Et d'un autre côté, il y a la faillite spirituelle de l'Église. Et cela a une gravité plus grande que le crime parfait de la consommation. L'uniformisation des modes d'être par la consommation a rendu les Italiens étrangers à l'Église alors que l'existence même de l'Italie était fondée sur l'espérance chrétienne. Au delà donc des choix de façades entre droite gauche, qui ne diffèrent que par leurs objets, la consommation a aboli la sacralité et zombifié l'Église, comme elle a fait disparaître les spécificités régionales du pays, réduites à des choses provinciales et ringardes appelés à être subsumées dans la nouvelle donne.