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Philosophie, n° 127. Fondation et fondement

Minuit, 2015
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Résumé

Les études ici rassemblées ont pour fin de se confronter aux apories essentielles de la question de l'essence du fondement, telles qu'elles traversent l'histoire de la métaphysique, et d'éclairer ainsi les remises en cause contemporaines de la volonté de fonder, qui répètent la tension opposant le fondement comme substrat et comme origine - ainsi Derrida écrit-il que « la chose même se dérobe toujours », et Desanti, que les moments de crise ouvrent la possibilité de prendre conscience que « le sol fuit toujours ». À suivre le fil conducteur des métaphores, le fondement serait ce qui se trouve « sous » » les étants, mais en quel sens faut-il l'entendre ? Comme soubassement qui confère à la maison son assise et sa solidité, comme les racines d'un arbre à partir desquelles il ne cesse de croître et de se transformer, ou comme la fin vers laquelle tend son développement ? Le fondement peut ainsi être substrat ferme permettant de poser les premières pierres, source de l'apparaître ou de l'action juste, ou telos de toute genèse et développement. Faut-il cependant adopter pour fils conducteurs les métaphores livrées par l'histoire de la métaphysique, ou au contraire élaborer une métaphorologie critique afin d'en mettre en question le prestige ? Une seconde question tient à la distinction entre les niveaux épistémologique et ontologique. En théorie de la connaissance le fondement s'identifie au principe, proposition première dont la validité est indubitable et fonde celle des autres propositions ; en mathématiques (ici prises pour paradigme), la dérivation des propositions secondes à partir des propositions primitives est une déduction, celles-ci étant les axiomes douées d'évidence immédiate, celles-là des théorèmes doués d'évidence médiate. Or ce paradigme déductif possède-t-il une validité universelle, ou la notion de principe peut-elle, dans les sciences non déductives et les mathématiques axiomatisées, être entendue en un sens autre que celui d'axiome absolument évident ? Y a-t-il, en outre, convergence ou discrépance entre les plans épistémique et ontologique : ce qui est premier dans l'ordre de la connaissance (principe) l'est-il également dans l'ordre de l'être ? Ce qui est premier pour nous l'est-il également en soi ? Une dernière question est liée à la volonté de fonder, c'est-à-dire à l'apparition du projet fondationnaliste et du principe de raison, selon lequel rien n'est sans raison. Si l'apparition même de la philosophie semble dominée par le souci de légitimer le savoir par opposition à la pure opinion, pourquoi l'énoncé du principe de raison a-t-il dû attendre Leibniz pour venir au jour ? Y a-t-il, dans l'histoire de la métaphysique, des mutations du régime d'évidence telles que le principe de raison et la nécessité de la fondation puissent demeurer occultées, puis devenir évidentes ? La compréhension du fondement comme axioma, principium et Grund appartient-elle à des dimensions de sens hétérogènes renvoyant à des époques distinctes du savoir, de l'évidence voire de la compréhension ? Quel est à son tour le fond de ces mutations de sens, et en est-il à proprement parler le fondement ?

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