Biche

Lorsque les éditions Livres Agités m'ont proposé de lire ce roman de Mona Messine, j'ai eu à la fois très envie et en même temps un peu réticente. Juste parce que cela parle de chasse, je suis farouchement contre cette pratique car il y a trop d'abus, trop d'accidents, et pour moi c'est très loin d'être un sport ! Pour moi, il y a d'autres moyens plus sensés pour réguler les animaux. Mais quand j'ai lu le résumé de ce livre et que j'ai vu qu'il allait être question d'une biche qui apparemment n'allait pas se laisser faire, j'ai alors eu très envie de le lire et de voir ce qui allait se passer.  Je ne peux pas en dire beaucoup sur le fond de l'histoire parce que ce serait gâcher la surprise de la lecture et ce serait vraiment dommage. On est dans une forêt, on ne sait pas dans quelle région de France, mais une forêt est partout pareille. Avec ces arbres, sa faune et sa flore. Comme beaucoup de dimanches d'automne, un peu partout en France, une partie de chasse s'organise. On va donc faire la connaissance de chasseurs, et en suivre un en particulier, Gérald et un jeune garçon Basile, dont c'est la première fois. Il y a aussi les rabatteurs, ceux qui chassent le gibier vers les chasseurs, menés par Linda, au caractère imposant. Et de l'autre côté, nous avons un troupeau de biches, avec leurs faons, les cerfs qui rôdent alentour, c'est la saison du brame. Parmi ces biches, il y a la doyenne, Élisabeth, affaiblie, malade, elle vit ses derniers jours. Et l'héroïne du livre, la jeune biche, que l'on suit tout le long, qui veille sur ses congénères, qui veille aussi sur l'avancer des chasseurs. Il y a aussi Hakim, le hérisson, qui m'a beaucoup touchée, et Olaf, le chien du chasseur. Et enfin, du côté humain, il y a Alan, le garde forestier, qui fait tout pour protéger les biches, fait des parcours, des endroits où elles peuvent rester tranquille. Tout ce petit monde est donc engagé dans cette journée de chasse, ils vont se croiser, s'affronter. Et c'est sans compter sur dame Nature qui va elle aussi mettre son grain de sel, une tempête s'annonce, animaux comme êtres humains s'organisent, mais, mais, y arriveront-ils ? L'entêtement du chasseur, comme celui de la jeune biche qui refuse la loi des hommes, où cela va-t-il les mener...  Ça je vous laisse le découvrir en lisant ce livre qui au début est très bucolique, pose les personnages, les lieux, les descriptions plantent les décors, l'ambiance. Et celle-ci va s'alourdir au fur et à mesure, comme je me le suis imaginé dès le début, mais franchement, je ne m'attendais pas à autant de tension et de suspense. Surtout sur les cents dernières pages, en sachant que le livre en contient un peu plus de deux cents. Je ne pouvais pas lâcher ma lecture, j'ai tout arrêté pour continuer et savoir ce qui allait se passer. Pfiou, quelle tension, je la ressens encore alors que j'ai refermé le livre hier. Je ressens encore aussi les émotions, je ne vous dirai pas lesquelles, mais comme j'ai eu peur pour la biche, les faons, les cerfs, je suis un peu moins atteinte par les humains, mais certains m'ont touchée plus que d'autres.  Le livre est raconté à la fois du point de vue de la biche ou de celui des humains. Donc l'intensité est tout de suite présente avec ce jeu entre les deux groupes, la traque des deux côtés. Ajouté à cela la forêt, la nature, qui crée un véritable labyrinthe pour chacun, qui peut être salvateur mais aussi très dangereux. Pour donner la parole à chacun, l'autrice a choisi une narration à la troisième personne du singulier, ce qui a aussi l'avantage de créer une certaine distance avec les émotions. Mais la distance est vraiment ténue car je me suis vite retrouvée envahie par beaucoup d'émotions justement.  Une telle histoire fait penser à Bambi, nous avons tous été touchés dans notre enfance par cette histoire, par ce petit façon qui perd sa maman, tuée par les chasseurs. D'ailleurs, il est cité dans ce livre. Bambi a humanisé les cerfs, et a aussi permis de prendre conscience des abus de la chasse, et a permis aussi de mettre en place une protection des animaux avec des réserves, des dates de permission et d'interdiction de chasse. Mais en lisant Biche, on ne peut que penser à Bambi... Et bien sûr, plus que tout, c'est aussi le style de Mona Messine qui sublime le tout. À la fois très doux, sensible, poétique et à la fois plus dur, intense. Elle sait créer les ambiances, tendres, douces, plus graves, plus fortes. J'ai énormément aimé sa façon d'écrire cette histoire, de la faire monter en puissance. Elle fait passer plein de messages et de belles valeurs sur la vie, humaine ou animale, sur les sentiments, l'amour. Les femmes ont une place importante. Il y a l'humaine, Linda, qui mène le rabattage, et du côté animal, il y a la biche, qui mène elle le troupeau des femelles et de leurs petits. Ce livre a une forte dimension féministe que j'ai beaucoup apprécié. La maison d'édition présente ce livre comme un conte initiatique et je suis tout à fait d'accord avec cela. Et on en ressort transformé quand on l'a fini.   Je pourrais vous parler encore longtemps de Biche, qui va rester gravée en moi un bon moment. Quand je regarde la couverture avec des couleurs qui correspondent totalement à l'ambiance, je ressens encore toutes les émotions. C'est un coup de coeur pour moi, pour l'histoire, pour le style de Mona Messine, pour tout ce que ce conte dégage. La féministe et écologiste en moi a fortement apprécié les valeurs. Je ne peux bien sûr que vous recommander la lecture de Biche, je suis certaine que vous ressentirez les mêmes choses que moi. C'est en tout cas très difficile de rester insensible et de marbre. C'est un premier roman pour Mona Messine et c'est une totale réussite. Je suis charmée et conquise par sa plume, je vais la suivre et j'aimerais beaucoup la lire à nouveau.

Thriller en pleine nature. Entre un chasseur et son iench laissés au beau milieu des chênes, cerfs amoureux et biches téméraires, le soir après la chasse. Très étrangement prenante, cette traque nocturne en pleine pluie nous embarque aux côtés de la nature, des arbres et leurs racines, des fourmis fouissantes, des champignons alliés et hérissons naïfs. J'en ai voulu à Gérald et Linda et j'ai exulté à certains endroits, tant la plume de Mona Messine décrit ce duel avec joliesse et ironie du sort.