La dislocation

Déjà, a la lecture de la 4ème de couverture, on ressent un peu de circonspection, se transformant tout de même en curiosité. L’éveil progressif de cette femme devenue amnésique pour une raison qui nous est dans un premier temps inconnue, est assez étrange, on a du mal à comprendre les logiques intérieures auxquelles sa psychologie et sa façon d’appréhender son monde répond, tantôt elle nous apparait être une « bonne » personne, intelligente et sensée, tantôt une personne égo centrée, et disparate. En fait la clé est exactement là, et c’est pour ces deux raisons que suite à un événement bien précis l’amnésie s’est déclenchée, je ne vous en dit pas plus à propos de l’intrigue. Si la première partie du livre est chaotique, décousue, difficile à suivre et à lire, la deuxième est beaucoup plus réelle et concrète, et on a presque l’impression que le roman ne commence qu’à ce moment là, ce qui est sans doute voulu par l’auteur, pour nous faire goûter à cette sensation de perte cognitive, de repère, d’absence de logique. Plus concrètement, je trouve que le résumé ne représente pas du tout le livre et son histoire. En effet je m’attendais à un livre où les questions actuelles d’écologie seraient vraiment présentes et en lien direct avec la femme, mais en fait ce n’est que survolé… C’est en me disant cela que j’ai compris ce qui me dérangeait dans ce livre, c’est qu’il est entièrement survolé. A force de vouloir entremêler différentes thématiques dans la narration de cette vie oubliée, comme la maladie, l’écologie, l’amour passionnel et sectaire, l’exploration du monde libertin, le sexe, la domination, l’aspect cathartique d’un voyage, l’introspection, la maternité et le pouvoir sacré de la femme, rien n’est profondément exploité, ni expliqué et laisse un gout d’inachevé. Cette femme que l’on soupçonne dotée d’un très fort caractère, presque violent dans sa détermination, a tendance à toujours se laisser dominer par les personnes qu’elles rencontrent, qu’elle a rencontré jadis, ainsi par les événements qui lui tombent dessus. Les différents personnages sont assez inutiles, sans doute car trop nombreux. L’on sent cependant l’envie de l’auteure de parler de sujets puissants et qui la touchent, mais à trop vouloir en faire, elle n’en a rien fait… C’est dommage car sa façon d’écrire est intéressante, mais ce roman est assez déséquilibré et rend instable et presque impossible l’implication du lecteur.

Elle sort de l’hôpital. Elle. L’encéphalogramme de ses souvenirs est plat. Complètement plat. Elle ne se souvient même pas de son nom. Amnésie totale. Les psychiatres – elle les hait de tout son être – disent que la situation est peut-être réversible. Mais peut-être pas. En tous cas, tous s’accordent pour dire que le choc traumatique a dû être d’une intensité colossale pour que les dégâts psychiques soient si importants. Elle. Elle n’a plus rien. Elle est dépossédée de tout. Elle pourrait bien découvrir son nom en le lisant sur sa carte vitale, mais elle veut s’en souvenir seule. C’est son défi personnel. Pour le reste, elle compte sur les quelques personnes qui l’entourent. Il y a K, son ami et ange-gardien ; Wajdi, qui lui fera voir la vie autrement, qui la marquera à jamais. Et puis, il y a Emilie, qu’elle rencontre alors qu’elle a décidé de partir pour la Bretagne. Avec eux, elle va tenter de se reconstruire, de recoller les morceaux et, peut-être, enfin, de retrouver la mémoire. La dislocation est un roman inclassable, je crois. L’atmosphère est particulière, comme ouatée. A l’image des souvenirs de cette femme anonyme, qui tente de se raccrocher à la vie, comme elle peut. Plein d’espoir et d’humanité, ce roman ne manque pas non plus d’humour. Sa singularité ne vous laissera pas indifférent, j’en suis certaine. Louise Browayes met en avant des personnages atypiques, à la fois hors du temps et hors du commun. Pourtant, en mêlant habilement féminisme, écologie et tragédie, l’auteure signe ici un premier roman plus que jamais ancré dans l’air du temps. Un ovni littéraire à ne pas manquer. J’ai beaucoup, beaucoup aimé.