La popularité de ce livre sur Gleeph
Résumé
Les processus de concentration à l'oeuvre dans le monde de l'édition font à juste titre, depuis la parution de l'important livre d'André Schiffrin, L'Édition sans éditeurs (Paris, La Fabrique, 1999), l'objet d'analyses et de dénonciations répétées. Lire et penser ensemble voudrait cependant mettre en évidence les points aveugles de cette focalisation presque exclusive sur les problèmes de concentration. Si la réalité menaçante de ces processus est certaine, le portrait valorisant de l'éditeur indépendant en «éditeur-résistant», luttant encore et toujours contre les géants de l'oligopole de l'édition, ne risque-t-il pas de se réduire à une dénonciation incantatoire, ignorante de la complexité et des ambiguïtés des transformations en cours ? Ne faudrait-il pas souligner aussi l'ouverture de la situation présente, les possibilités encourageantes qu'elle offre ? Ne faudrait-il pas surtout mettre en évidence d'autres facteurs essentiels de la transformation du monde du livre et de la lecture, facteurs qui ne sont pas réductibles aux problèmes posés par l'économie, au sens étroit du terme, de l'édition ? Il importe au plus haut point de formuler aujourd'hui les termes d'une véritable politique démocratique des savoirs et du livre, qui s'attache en particulier aux effets de l'enseignement et des évolutions technologiques sur les pratiques intellectuelles et les pratiques de lecture, et qui, sans les négliger, ne se limite pas aux aspects plus strictement économiques des problèmes rencontrés par les éditeurs et les libraires indépendants. Pour ce faire, Lire et penser ensemble revient notamment, d'une part, sur «l'affaire Google Livres» et les confusions qu'elle a suscitées et, d'autre part, sur les contenus et les usages des manuels scolaires dans l'enseignement secondaire et sur la production en masse de «non-lecteurs» qui en résulte. L'enjeu de ces débats n'est rien de moins que le maintien des conditions de l'existence et du développement de la culture critique nécessaire à l'agôn démocratique.