Passage du gué

« C'est lui qui a suggéré Fred. Un onguent. Un antibiotique local. Une couche de gaze. J'ai froncé les sourcils. Thomas a prononcé ces mots, " passer le gué ", et j'ai aussitôt vu la reproduction d'un tableau qu'il y avait dans la salle à manger de mes parents, quand j'étais petite. C'est une femme en robe bleu et jaune, une paysanne endimanchée. Elle aide un petit garçon à traverser la rivière. Le petit garçon ne doit pas savoir nager, ou il a peur, tout simplement. Alors, elle l'a fait grimper sur son dos et ensemble, ils vont passer de l'autre côté. Ils traverseront à l'endroit où le fleuve est presque à sec. Elle posera ses pieds sur les pierres plates, précautionneusement, et elle avancera, centimètre par centimètre. La traversée du gué sera longue. Le petit garçon enfoncera son nez dans sa chevelure. Il respirera les odeurs de terre mouillée et de crasse, le parfum de la menthe et celui, plus léger, de la sauge. Il s'en souviendra toute sa vie. Une fois de l'autre côté, elle le laissera descendre. Ils disparaîtront l'un pour l'autre. Je suis restée silencieuse un long moment. » Une femme, deux hommes - deux, peut-être trois histoires d'amour. Un roman lumineux sur l'ambiguïté du désir, la confusion des sentiments et la grâce fragile des renaissances.