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Résumé
Dans la mémoire universitaire, la Troisième République est l'âge d'or de la philosophie des professeurs : l'hagiographie continue d'y trouver ses héros et ses modèles (Lagneau, Alain, Bergson, etc.). La représentation commune et le discours savant s'accordent pour voir dans ce moment une identification parfaite entre la philosophie et l'institution. Mais l'humeur anti-institutionnelle qui domine aujourd'hui conduit à faire de ces hommes des maîtres dévoués à leur classe plutôt que des héros de la raison. A travers l'analyse des transformations qui affectent le corps professoral entre 1880 et 1914 et l'étude d'un répertoire philosophique matérialisé dans des programmes, une langue commune, des façons de faire et des normes de présentation de soi, ce livre donne les moyens de reconstruire l'espace des possibles au sein duquel se développent les grandes oeuvres aussi bien que celles qui tournent court. En s'attachant à l'émergence de la notion de crise de la philosophie au tournant du siècle, on peut comprendre les métamorphoses qui conduisent la discipline du couronnement du sommet vers les marges. Les philosophes de la République sont à la fois lointains et proches : alors que tout semble les opposer aux universitaires d'aujourd'hui (style de vie, choix des objets de connaissance), on constate que la situation de la philosophie française contemporaine dans l'espace des disciplines ne peut être expliquée qu'en référence au moment fondateur de la Troisième République. Substituant à la piété du discours commémoratif un travail d'objectivation, ce livre veut contribuer au développement d'une histoire de la philosophie qui ne se contenterait pas de décrire et de dénombrer la «suite des nobles esprits» qu'évoquait Hegel.