Les montagnes hallucinées. Dans l'abîme du temps

C'était ma première lecture de Lovecraft. Il faut être honnête, ça a été particulièrement difficile au début. Lovecraft a une écriture opaque, peu de ponctuation, peu de paragraphes. C'est un bloc. On ne sait pas où s'arrêter, où reprendre son souffle, où faire une pause pour intégrer ce qui vient d'être lu. Puis, au fur et à mesure des pages qui se tournent, on se familiarise avec ce style si particulier, qui fait finalement partie intégrante de l'univers Lovecraft. Sa lecture est angoissante au point d'en devenir par moment étouffante... Ça vaut vraiment le coup de s'accrocher !

Je suis fan de Lovecraft, hélas je crois qu'il faut être fan hardcore pour apprécier pleinement Les Montagnes Hallucinées. Je n'étais même plus convaincu de lire un roman mais une thèse de doctorat, précédée d'un manuel de géographie niveau agrégation. Question récit, on ressent vaguement quelque chose dans les dernières lignes. Sinon c'est d'abord de la description, de la description et surtout de la description, avec un souci de détail que j'ai rarement vu. Tout, on sait tout de la chaîne de montagnes et ce, bien avant d'arriver à l'endroit qui nous intéresse, lequel sera analysé de la même façon, puissance mille. En résulte une encyclopédie interminable, un catalogue d'observations insondables dans un jargon souvent incompréhensible. De la description à la narration, la méthode reste la même. Je ne m'attendais pas à un tel dépouillement de la mythologie lovecraftienne. En lieu et place d'ambiances redoutables, de sensations indescriptibles, de rebondissements effarants, on a la chronique historique, politique, artistique, scientifique (et plus encore !) des Anciens et de leurs créatures. Tout, absolument tout est raconté. Je croyais naïvement que l'auteur n'en viendrait pas à ce niveau d'explication, pour moi tout sauf littéraire, d'une partie de sa sinistre cosmologie. Il ne m'en faut pas plus pour désacraliser les êtres dont il est question. Savoir comment ils se reproduisent ou comment ils décorent leur bahut ? Non merci, je n'en veux plus. Dans l'Abîme Du Temps, présente dans cette édition, je retrouve l'atmosphère que j'affectionne, même si on est très loin de l'angoisse d'autres de ses textes. Je n'ai vraiment pas aimé l'ensemble. J'aurais préféré halluciner ces Montagnes Hallucinées.

De Lovecraft je n’avais lu que « Le mythe de Cthulhu », il y a une dizaine d’années environ. J’avais souvenir d’avoir aimé l’inventivité de l’auteur, la cosmogonie qu’il a créé. Mais je n’avais plus aucun souvenir quant à la nature de son style. Je dois admettre avoir un peu de mal avec l’avalanche de descriptions dans « Les montagnes hallucinées » et « Dans l’abîmes du temps » Des descriptions sur l’architecture et la nature des roches essentiellement. Les géologues apprécieront ! La psyché des personnages passant finalement au second plan (surtout dans la première nouvelle). J’ignore si c’est le style de Lovecraft qui est d’une aridité telle ou si c’est le résultat d’une traduction française vieille et désormais un peu obsolète. Malgré tout j’ai apprécié ces deux histoires, même si leurs lectures furent un peu poussives et en dents de scie.

Ce monument de Lovecraft, sors à mon avis du lot de ces principaux récits, par son sujet boréal qui nous diversifie le cadre habituelle de la Nouvelle-Angleterre. Les descriptions dantesques qui font la marque de fabrique de notre auteur magnifie les images oniriques/cauchemardesques de contrée polaires dont on ressent la morsure du froids, le vertige infinie devant les paysages cyclopéens et parfois même quelques souffles rauques sur la nuque qui nous glace le coeur.

Fidèle à lui-même, ce roman de Lovecraft avec ses différentes histoires jonglent entre horreur et suspens. Rêve ou réalité ? Qui sait... L'un des romans que j'avais beaucoup appréciés, même si la plume de l'auteur n'est pas pour tout le monde, peu de dialogue et énormément de narration.