Le loup des steppes

Harry Haller se bat chaque jour contre sa nature animale, le loup des steppes, ce qui l'empêche de s'intégrer à la société. Va-t-il conquérir le loup des steppes avant qu'il ne le pousse au suicide ? Harry Haller approche les 50 ans, a peu d'amis et envisage de se suicider pour son 50ème anniversaire. La vie de Haller commence à devenir incontrôlable lorsqu'un homme étrange lui donne un livre intitulé le traité du loups des steppes, dans lequel son nom est mentionné. De là, Haller va rencontrer Hermine, une femme qui le guidera dans un voyage de découverte de soi. Alors qu'il retrouve une passion pour la vie, elle lui montre qu'il y a toujours de l'espoir. Je vous laisse décider si la fin confirme ou contredit cela.

Une Europe meurtrie et décadente, au sortir de la Première Guerre mondiale, avec un second conflit mondial en approche. C’est dans ce clair-obscur que surgit Harry Haller. Intellectuel pacifiste, misanthrope… Préférant de loin la vie d’ascète, plutôt que de se mêler à une époque et des gens qu’il abhorre. Au fond de lui, Harry le sait, il est un « loup des steppes », tiraillé entre son désir de solitude et l’envie d’adhérer au monde bourgeois pour jouir de ses bienfaits. Il se voit comme une dualité : la bête prenant de plus en plus le pas sur l’homme à mesure qu’il rejette ses semblables. Sa rencontre avec Hermine et le « théâtre magique » lui feront peut-être prendre conscience de l’importance de sourire à la vie, ce théâtre tragique… Paru en 1927, « Le loup des steppes » d’Hermann Hesse, est autant un récit initiatique que philosophique. Une mise en garde six ans avant l’avènement du nazisme des dangers du nationalisme - conséquence de l’orgueil bourgeois. Un récit qui peut s’avérer fataliste et pessimiste de prime abord. Le rejet et l’incompréhension du monde par son personnage principal s’expliquent aussi bien par la rigidité de son éducation que par ses convictions intellectuelles solidement ancrées. Ajoutons à cela deux époques, deux cultures qui se télescopent créant un malaise chez cet être sensible et érudit. Sur ce dernier point, le livre de Hesse garde une saisissante et pertinente actualité. Il demandera, cependant, un peu plus de concentration et d’imagination de la part du lecteur dans sa dernière partie. Loin d’un trip onirique sous acides, le « théâtre magique » doit être perçu pour ce qu’il est : l’ultime épreuve d’un parcours initiatique. Haller faisant face à deux choix : se laisser consumer par la bête ou embrasser la multiplicité de son être.

Hermann Hesse nous présente un personnage d'une noirceur et d'une solitude à la limite de l'aliénation. Toutefois, le narrateur est un intellectuel, ses raisonnements sont justes et logiques, sa distance vis a vis de la société lui permet de réfléchir de façon froide et dépassionnée, mais donc aussi en un sens déshumanisée. En ressort l'idée que l'on ne peut se soustraire des travers de la société et du mode de vie "mainstream" qu'au prix d'une vie solitaire à l'extrème, jusqu'a en devenir malsaine. Ce roman passionnant prend aux tripes, et questionne lorsque l'on retrouve un peu de sa propre personnalité dans Harry Haller. Il n'y a que la fin, style "trip sous acide", que je n'ai pas aimé (on se croirait dans "las vegas parano"), mais le roman est tellement puissant et percutant que je ne peux lui en tenir rigueur, et que je reste profondément marqué par sa lecture

C'est édifiant à quel point je me suis vu peint avec autant de clarté. L'analyse de Hesse a donné du sens à ma lecture, je n'ai plus lu dans l'indifférence habituelle mais avec attention et un peu de crainte. Un roman néanmoins magnifique. C'est mon premier Hesse, et j'en suis ravi comme impatient d'en lire davantage. Nous sommes plongé dans la personnalité odieuse, hautaine et autodestructrice du protagoniste ( et peut-être un peu naif ). La modernité et le "progrès" nous fabriquent un monde ou les plus grands amoureux de la vie en perdent le goût par la destitution des choses noble. Le beau n'est plus à en croire le plug vert de Paris, les relations humaines éclatées par la banalisation des pratiques sexuelles et la consommation de drogue, et la politique de cirque animent le peuple vers l'ochlocratie. Un roman visionnaire de notre monde actuel. Je l'ai adoré et aujourd'hui encore quelques passages me reviennent et m'applique à méditer sur la condition humaine de ce XXIes. Oeuvre sublime.

Le personnage d’Harry Heller peut trouver sa place en 2023 comme en 1927 ( date de la sortie du livre ). C’est un personnage tourmenté, compliqué, solitaire et en confrontation direct avec son époque. L’Europe de l’entre-deux-guerres, belliciste et nationaliste. Une Europe qui baigne encore dans la tradition bourgeoise mais qui rentre dans une ère de modernité et de profonds changements dans les mœurs. Ce personnage est également intemporel. L’intemporalité d’Harry ce trouve dans sa perpétuel introspection. Qui est-il ? Quel est le but de sa vie ? Quels sont les éléments qui font sa personnalité ? Comment doit-il ce comporter dans un monde qu’il semble profondément détester et finalement, ou est sa place ? Pourquoi rester en vie ? Des personnages étranges, proches d’être des miroirs, des « alter ego » vont nourrir son cheminement intellectuel et personnel vers des réponses. S/o Hermine tu es dingue ma belle. ❤️ Le Loup Des Steppes c’est tout ce que j’aime dans la littérature. Des notions clés que l’auteur aborde avec une singularité et une intensité particulière. Le temps, les relations humaines, les sentiments, la solitude, le rapport au monde et à l’autre, l’étrangeté… Le Loup des Steppes nous offre un nouveau rapport à l’absurdité du monde, en montrant au monde réel un monde parallèle, imaginaire. Le fameux « théâtre » de Pablo. Un monde d’images, un monde fantastique, un monde dans lequel on « joue ». On joue un rôle, on traverse les époques. Tout est faux mais tout est terriblement vrai. La frontière entre le vrai et l’illusoire est bien trop étroite. À la fin du Loup des Steppes Harry dit ; « Un jour, je jouerais mieux ». L’existence est-elle alors une vaste pièce de théâtre entre tragédie et comédie ? Bref, du génie.