Au royaume des aveugles

Qui était Sophia Ayling cette jeune femme repêchée –morte-  dans la Cam ce matin là ? S’est-elle suicidée ? A-t-elle été assassinée ? Les questions sont multiples pour l’inspecteur Richardson chargé de l’enquête… Sachant qu’il ne dispose que d’une journée pour résoudre l’affaire… Car dans vingt-quatre heures, il aura tout oublié, ou presque… Richardson, comme la majorité de la population mondiale, est un « mono » : à 18 ans, comme ses semblables, il a perdu la mémoire. Il ne se souvient que de la journée de la veille, c’est tout. Alors comme tout le monde, chaque soir, il consigne soigneusement chaque évènement de sa journée dans son journal, et apprend par cœur chaque « fait » . Certains ont plus de chance, ils sont capables de se souvenir des 48 dernières heures de leur vie. Ils sont l’élite de la population, les « duos », comme l’écrivain aux ambitions politiques, Mark Henry Evans. En mettant la main sur le journal de Sophia Ayling, Richardson pourrait bien parvenir à arrêter le coupable. A moins que lui aussi se fasse manipuler ? Très original ce polar d’anticipation imaginé par l’auteure Malaisienne Felicia Yap, et très réussi : j’ai beaucoup aimé. Au-delà de l’intrigue policière qui tient toutes ses promesses, l’univers dystopique qui sert de toile de fond permet d’aborder des sujets plutôt graves, comme la discrimination, les préjugés de classes (les « duos » forment la classe dominante, dirigeante ; les « monos » étant considérés comme inférieurs en tout, peu intelligents, inaptes à accéder à des postes à responsabilités, voire à élever des enfants). C’est aussi l’occasion de réfléchir sur l’importance de la mémoire, qu’elle soit individuelle (les souvenirs) ou collective. Pour ma part, l’une de mes plus grandes craintes (avec la cécité) est de contracter la maladie d’Alzheimer et que ma mémoire s’efface… D’un autre côté, oublier certains évènements particulièrement douloureux pourrait être une bénédiction… Peut-être…   Quoiqu’il en soit ce thème de la mémoire m’a toujours intéressée : elle peut être sélective, suggérée… Imaginer une société où personne, hormis les plus jeunes (un petit regret, que cet aspect ne soit pas plus développé dans le bouquin), n’a de la mémoire, c’est intelligent et passionnant.

Imaginer un monde dans lequel la mémoire de tout le monde s'efface au bout de 24 ou 48h, pouvant ainsi faire abstraction de leurs péchés et choisir de les oublier est une idée plutôt sympa. C'est vrai, on a tous déjà pensé à effacer certains de nos souvenirs mais est ce vraiment la solution ? C'est la réflexion vers laquelle nous entraîne l'auteur. Petite lecture sympa et rapide.