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Résumé
L'histoire médiévale vient de connaître un accomplissement remarquable : l'édition avec commentaire du recueil connu sous le titre conventionnel de De cerimoniis, ou Livre des Cérémonies, pierre angulaire pour notre connaissance de la société byzantine, de son gouvernement, de son administration, de sa vie festive, séculière et religieuse, que domine la figure de l'empereur byzantin qui, de son palais à la cathédrale Sainte-Sophie ou aux Saints-Apôtres, déambule dans Constantinople, ville merveille qui éblouissait les contemporains d'Orient et d'Occident. Cette entreprise d'inventaire et de restauration des rituels byzantins fut lancée au milieu du 10e s. par un souverain lettré, Constantin VII, figure de proue de la renaissance intellectuelle byzantine dite macédonienne, dont le règne s'étend de 913 à 959. Le recueil regroupait les protocoles du cérémonial de la cour impériale : le Livre I présente les cérémonies religieuses de l'année liturgique, mais aussi les cérémonies civiles comme les promotions de fonctionnaires ou les courses de chars ; le Livre II, légèrement postérieur, complète le Livre I, mais s'élargit à la diplomatie, avec en particulier les grandes réceptions d'ambassadeurs arabes, ou de la princesse russe Olga. Son intérêt ne se limite pas au 10e siècle, les cérémoniaux anciens qui sont recopiés formant une série qui commence aux 5e et 6e siècles. Furent ajoutés des chapitres fascinants, qui s'écartent du thème du recueil et nous livrent les comptes financiers d'expéditions militaires récentes en Syrie, en Italie et en Crète, qu'édite Constantin Zuckerman (École pratique des Hautes Études). Comme presque toutes les traces directes de l'administration byzantine du Moyen Âge central ont disparu, le De cerimoniis, préservé dans deux manuscrits, dont un palimpseste peu exploitable, est le seul texte à nous placer au coeur du pouvoir et de sa représentation, et dans la durée ; une bonne partie des protocoles remonte en fait à Michel III (842-847), le dernier empereur de la dynastie d'Amorium au milieu du 9e s., ou même aux Isauriens iconoclastes du VIIIe s., et le texte intègre plusieurs couches d'annotations. Il reproduit de longs extraits du recueil de Pierre le Patrice, maître des offices sous Justinien au 6e s., dont traite Denis Feissel (CNRS et École pratique des Hautes Études), et manifeste ainsi le fort lien de continuité entre la civilisation byzantine et celle de l'antiquité romaine tardive. Le texte, d'abord édité par Johan Jacob Reiske (1716-1774), dont le travail est repris dans le Corpus de Bonn (1829), puis, incomplètement, par Albert Vogt (1935-1939), réclamait depuis longtemps une réédition complète, mais la complexité philologique et historique du dossier épouvantait à juste titre. Il fallut plus de 30 ans pour que ce grand chantier scientifique de la byzantinologie française, lancé par Gilbert Dagron (1932-2015) au Collège de France, aboutisse sous la direction de Bernard Flusin (Sorbonne Université et École pratique des Hautes Études) à cet édifice imposant de près de 3 000 pages, en 5 tomes et 6 volumes. Comprenant l'original grec, rendu accessible au plus grand nombre par une traduction intégrale en français, d'abondants commentaires, un glossaire et des index, ce nouvel outil marque une date pour les études byzantines et suscitera, tant sa richesse est séminale, des études neuves non seulement dans le champ byzantin, mais aussi de la part de médiévistes d'Occident qui s'intéressent au pouvoir impérial et plus largement de ceux qu'interroge l'héritage européen de Byzance.