La grande peur dans la montagne

L’histoire peut sembler banale au premier abord. Pourtant, dès les premières pages, on sait que le drame est imminent. L'auteur nous transporte au cœur d’une petite communauté montagnarde en quête de nouveaux pâturages pour survivre, malgré les mises en garde des anciens. Leur objectif : reconquérir un alpage perché à 2300 mètres d'altitude, à l'ombre d'un glacier sur lequel plane une malédiction. Mais au-delà de cette quête désespérée, ce que l’auteur explore avec finesse, c’est la peur ancestrale, nourrie par les légendes locales. Cette peur viscérale, silencieuse, qui traverse les générations sans qu’on ait besoin de la nommer. Elle imprègne l’atmosphère du récit, telle une ombre omniprésente que chacun ressent mais que personne n’ose vraiment affronter. Ce sentiment d'oppression diffuse est sublimé par la narration unique de l’auteur, une voix rugueuse, aussi brute et sauvage que la nature qu'il décrit. Si cette écriture m’a d’abord déstabilisée par ses ruptures de ton et de style, elle a fini par me captiver : l’auteur joue avec les temps verbaux, abuse parfois de répétitions, et passe du discours direct à l'indirect dans une même phrase, d'un flux de pensée à une description omnisciente. Le décor montagnard, majestueux et oppressant, devient un personnage à part entière aux allures sacrées, et change de visage au gré de la lumière tandis que l’auteur capte chaque bruit, chaque souffle, comme s’il nous y immergeait pleinement. Le fantastique n'est jamais loin, ajoutant au trouble. Les personnages, notamment sept hommes envoyés dans cette mission impossible, sont d'une vérité frappante, décrits avec une subtilité qui dévoile leurs fragilités et complexités. En somme, cette lecture immersive, certes exigeante, ne se laisse pas apprivoiser facilement. Mais elle mérite qu’on s’y attarde. C’est une expérience littéraire forte. A découvrir.