Et si les femmes avaient le droit de vieillir comme les hommes ?

J’avais dans l’idée de lire cet ouvrage dans un bref délai, mais certainement pas aussi rapidement que c’est arrivé. Cet essai enrage, questionne, met en perspective, mais surtout passionne ! Partant du constat que les femmes deviennent trop rapidement des « objets périmés », l’autrice explore, dans une première partie, les multiples raisons et facteurs qui interdisent aux femmes de vieillir et, dans une seconde partie, des destins de femme qui ont échappé à ce piège et qui donc peuvent nous inspirer. Lu conjointement avec Qui a peur des vieilles de Marie Charrel, l'approche plus globale de Charrel complète à merveille cet essai très axé sur le sexisme qui entoure le vieillissement des femmes. Et ces deux essais sont aussi passionnants que désespérants. On aimerait pouvoir se dire que la société évolue, mais en vérité, à l’aune de ce que ces essais démontrent, c’est loin d’être le cas… après tout, selon certains sondages, l’âge idéal des femmes serait de 22 ans ! J’avoue tout de même avoir été déçue dans le sens où, les points de vue sont certes nécessairement situés, mais j'ai trop ressenti l'européocentrisme comme un universalisme. Or, si toutes les femmes en Europe occidentale ont déjà des expériences diverses de la vieillesse, comment n'en serait-il pas de même sur d'autres continents ? Une telle ouverture en conclusion aurait été agréable et porteuse de recherches... Malgré cela, c'est un essai qui se laisse dévorer en deux coups de cuillère à pot !

Notre société est obsédée par la jeunesse des femmes. De l'opposition jeune et belle// vieille et moche (qu'on a bien intégré et qu'on finit par associer d'office) à l'obsession pour ne pas vieillir, il faut absolument avoir l'air d'avoir 20 ans aussi longtemps que possible. Sinon ? On a l'impression qui si on ose sortir du marché de la bonne meuf, on va tomber dans le vide, comme un jouet coincé derrière le radiateur. Amanda Castillo y va à coup de hache dans le patriarcat. L'appétence des hommes mûrs pour les jeunes filles, pendant que les femmes vivent la quarantaine comme une date de péremption ; le lien mal caché entre l'obsession de la femme jeune avec celle de la femme naïve et plus facile à soumettre. Ya pas que les sorcières qui font flipper, ce qui fait peur au patriarcat, c'est une femme (pas une fille, une femme) qui sait qui elle est et ne vit pas que pour séduire. C'est d'une tristesse sans nom, comme les hommes refusent de considérer les femmes comme des êtres à part entière dans toute leur complexité, hors de leur capacité à séduire, mais c'est encore plus triste de voir comme les femmes le croient. Une excellente lecture, qui montre qu'il reste beaucoup de boulot.