Opus 77

Entrez, installez-vous. Rang F, place 14. Chut, parlez sotto voce, ça va commencer. Mais le maestro a les mains couchées... Nous sommes tous ici pour rendre un dernier hommage à Claessens père, ancien pianiste devenu chef d'orchestre de grande renommée. Et aujourd'hui, c'est sa fille, Ariane, qui va jouer. Pour lui, pour nous, pour eux. Pour leur famille abîmée. Pour elle. Pour son frère. Un concerto pour violon joué au piano, l'Opus 77 de Chostakovitch. La sœur rejoue le frère, parle du père, effleure la mère. Leur famille sur une partition. Nocturne (moderato). Sans faire de bruit, je suis entrée et me suis terrée. Sous le piano. De là, j'ai écouté les voix frotter les cordes et les frapper. Je n'y connais presque rien à la musique, mais j'ai tendu l'oreille, attentive. Piano, elle est entrée et mon cœur a vibré. Pizzicato. Coll'arco. Avec les doigts, avec l'archet. Ne me parlez plus. Ecoutez. Scherzo (allegro). Emportée. C'est monté crescendo. Je ne pouvais plus le lâcher. Prise dans l'orchestre, impossible de partir. Ariane, j'ai suivi ton fil. Tes mains posées sur les 88 touches du clavier m'ont fait entendre ton piano, son violon, ta famille. Ses déchirures. Les pieds en équilibre sur la tablature, je n'ai raté aucune mesure. J'ai entendu l'importance des silences, regardé la baguette du chef, observé les mains des musiciens. Votre musique, désaccordée, abîmée. C'est fort, beau et puissant. J'entends. Passacaglia (andante). Les pages volent, englouties par la cadence. Le violon devient maestro. De tout mon corps, je vous écoute. Mes yeux d'abord, puis mes oreilles, et mon cœur. Je pleure. Burlesque (allegro con brio - presto). Je m'enivre de ces mots. Les phrases m'ont soulevée. C'est la fin, déjà. Je bafouille et ferme ces pages sur un dernier coup d'archet. Magistral. Opus 77 donc. Un immense coup de cœur. J'aimerai tellement que vous le lisiez... Les silences sont essentiels mais ne doivent pas durer, alors quand le livre a bouleversé, il faut en parler. Et je n'en ai pas fini, vous savez. Le concert vient de commencer.

Un regard dur sur le monde de la musique. Vite lu et très prenant mais ce n’est pas un grand roman.

"Opus" 77 est un roman au style épuré que j'ai pris un immense plaisir à découvrir. Pourtant je suis loin d'être un spécialiste de musique classique et cela a très peu d'importance finalement tant Alexis Ragougneau nous prends par la main pour nous faire pénétrer avec brio et maestria au cœur de la famille Claessens. C'est Ariane Claessens qui va nous narrer l'histoire de sa famille car nous comprenons dès les premières lignes qu'elle est venue rendre un vibrant dernier hommage au piano, au brillant chef d'orchestre de renommée internationale que fut son père. Famille bercée par la musique, un père pianiste puis chef d'orchestre, un mère cantatrice. Deux enfants, David, taiseux et prodigieux quand le violon vient se caler au creux de son cou, et Ariane, qui a suivie les traces de son père pour devenir elle aussi une artiste au talent mondialement reconnu. L'Opus 77 est une œuvre du compositeur russe Chostakovitch. Si vous ne savez pas qui il était comme moi il y a encore quelques jours, lisez ce livre c'est passionnant dans ce que ce concerto a de dramatique et de rebelle face à la poigne de fer du régime totalitariste soviétique. Alexis Ragougneau nous fait pénétrer dans un milieu qu'on connaît peu, où la compétition règne en maître, pas de place pour l'excentricité, le politiquement correct écrase tout sur son passage, au diable la liberté individuelle et la création artistique. Quel talent d'avoir utilisé la musique pour faire ce parallèle avec nos sociétés contemporaines. Cette fresque familiale, cette lutte du fils face au père, les souvenirs de famille évoqués en fil conducteur par Ariane tout au long du roman nous amène à une compréhension des dysfonctionnements qui sont apparus au fil des années. Il y tant de choses dans ce roman, l'apprentissage d'un répertoire auprès du vieux maître d'origine arménienne Krikorian, une passion quasi sacerdotale dans la rigueur qu'elle exige pour devenir plus qu'un simple musicien, un virtuose. Lisez-le !!!

L’enfant prodige est il le prolongement du succès d’un parent ? Sur fond de récit d’un virtuose qui a perdu le goût de la musique et d’une sœur qui part en quête d’une reconstruction familiale, l’auteur nous emmène dans le monde impitoyable de la musique classique. Si l’écriture spécifique dès les premières lignes peut surprendre, on se laisse emporter rapidement par le récit tragique au fil des pages.

Pas besoin d’être une grande mélomane pour apprécier ce très joli roman. Les toutes premières pages n’ont pas été faciles à lire, mais le rythme se met en marche très rapidement pour comprendre l’histoire de cette famille de musiciens et le monde dans lequel ils vivent... c’est très bien écrit