L'abécédaire d'Albert Camus

Que n’a-t-on pas dit, au sujet de Camus, ce mois de janvier ? À l’occasion du 60e anniversaire de la mort du Prix Nobel de littérature 1957, on ne compte plus le nombre d’articles de presse, de documentaires – radiophoniques ou télévisées – et d’ouvrages consacrés à cet humaniste qui n’a jamais trahises promesses.Parmi tous ces hommages, l’un d’eux fera date. Maintenant que la pensée d’Albert Camus va se renfermer dans ses livres, au profit d’autres commémorations, louons l’initiative des éditions de l’Observatoire. Parce que les textes de cet auteur,prématurément disparu à 46 ans,le 4 janvier 1960, importent plus que tout commentaire, « L’Abécédaire de Albert Camus » est une porte d’entrée, facile d’accès, pour quiconque voudrait aborder son œuvre.Si, « la vraie générosité envers l’avenir consiste à tout donner au pré-sent », saluons le parti pris de Mary-lin Maeso. Chargée par l’éditeur de choisir les textes retenus dans cet abécédaire, cette professeure de philosophie et essayiste n’apparaît que dans la préface.Faciliter la compréhension. De fort belle manière, elle y présente son souhait : « La réception de Camus est tributaire d’une longue série de distorsions qui constituent autant d’obstacles à une réelle com-préhension de son œuvre. » Recensées de A à Z, les citations sont d’une taille variable, tirées des quatre volumes des œuvres complètes de la bibliothèque de la Pléiade. Entrée après entrée, la philosophe cherche à « pallier ces angles morts, restituer à la pensée de Camus son relief et ses aspérités » face à l’image de« penseur indigent » que Jean-Paul Sartre et sa troupe lui collèrent à la publication, en 1951, de « L’Homme révolté ». Idées philosophiques, fragments de romans, bouts de dis-cours, notes des Carnets, cet abécédaire puise dans tous ces supports pour montrer qu’ils font œuvre.Pour Marylin Maeso, celle de Camus serait « tissée d’expériences concrètes, à la fois collectives et personnel-les, dont la singularité ouvre vers une universalité non plus postulée et utopique, mais en actes ».Camus écrit pour étancher « une affreuse faim de fraternité ». Dans« son désir éperdu de clarté », il montre une lucidité et une hauteur de vue qui nous renvoie – lecteurs du XXIe siècle – à l’absurde de notre temps. « Pessimiste quant à la condition humaine, je suis optimiste quant à l’homme », écrivait-il à la Libération..Sa vision demeure, pour celui qui refuse « la divinité pour partager les luttes et les destins communs ». Enfant d’Afrique du Nord, d’un père disparu et d’une mère analphabète,un instituteur de la République éveilla sa curiosité. L’essence même de son héritage, donnée en interview en 1945 : « Ce qui m’intéresse,c’est de savoir comment il faut se conduire. Et plus précisément com-ment on peut se conduire quand on ne croit ni en Dieu ni en la rai-son. » Par sa lecture, cet « Abécédaire de Albert Camus » apporte une partie de la réponse.