Gabriële

A mi-chemin entre la biographie et la quête d’identité familiale, Anne et Claire Berest reconstituent la vie de leur arrière-grand-mère, Gabriële Buffet-Picabia, une vie extraordinaire. Avec Picabia, le peintre et poète, elle formait un "couple monstrueux, monstres de génie, monstres dans ce que cela sous-entend originellement d’absence de normes, d’êtres venus d’ailleurs". Elle les a tous connus, accompagnés, souvent aimés, parfois accouchés, Duchamp, Appolinaire et tant d’autres. Mais Anne et Claire ne l’ont jamais appelée "mémé", à peine étaient-elles au courant de leur appartenance à la lignée Picabia. C’est cette quête familiale dédiée à leur mère qui m’a le plus touchée, au delà de la somme que représente ce livre comme éclairage sur les bouleversements du monde de l’art au XXe siècle, des précurseurs de l’art abstrait qui tournèrent le dos à l’impressionnisme, des figures du cubisme et du dadaïsme et du rôle clé qu’y joua Gabriële. Bel hommage à une femme « au cerveau érotique » qui toujours préféra l’ombre à la lumière et dont Picabia disait "(...) elle fera ce qu’elle a toujours fait : entraîner dans sa profondeur ceux qui ne peuvent vivre qu’en surface"

Gabriële fut certainement une féministe avant l’heure qui préféra s’oublier au profit de son fantasque mari, roi des peintres modernes : Francis Picabia. La postérité retiendra son nom à lui et relèguera le sien à l’ombre. Mais Gabriële cherchait cette ombre, elle l’appelait. C’était sans compté sur Anne et Claire Berest, ses arrières-petites-filles. Au travers de vingt-sept chapitres qui passent en un battement de cils, Gabriële apparait dans toute sa gloire et sa splendeur, femme élégante et forte, en avance sur son époque et qui savait reconnaître un talent quand elle en rencontrait un. Marcel Duchamps, Picabia, Apollinaire, Picasso, Elsa Schiaparelli, Stravinsky, Paul Poiret... elle les rencontrera tous, jouera un jeu plus ou moins fort et déterminant dans leurs vies. Gabriële meurt à 104 en ne laissant rien, dépossédée de tout puisque depuis longtemps sa porte était ouverte à tous. Cette femme était avant tout pleine de souvenirs d’un autre temps que ses arrières-petites-filles on remit en ordre en partant à la rencontre de leur famille. Ce roman-biographie est un merveilleux moyen d’en découvrir plus sur la culture française d’avant la Première Guerre mondiale et comment on évoluait dans le monde de l’art.

Je me suis replongée dans mes livres sur la peinture du début du XXème siècle (surréalisme, cubisme, le dada...), la musique de la même époque (Camille Saint-Saëns, Stravinsky, ...) et la poésie (plus particulièrement celle d'Apollinaire que j'adore). Les sœurs Berest font le portrait de Gabriële Buffet-Picabia qui a été l'épouse du peintre Francis Picabia. Elle a surtout été le "cerveau érotique" de nombreux artistes dès 1908. Un parcours hors du commun d'une femme très intelligente restée dans l'ombre pourtant...

J’ai été littéralement époustouflée par la vie de cette femme. Femme sans qui Picabia, Duchamp et d’autres ne seraient peut-être jamais devenu les artistes mondialement reconnu qu’ils sont actuellement. L’histoire d’une femme incroyable à découvrir.

Un livre qui permet de redécouvrir la naissance de ces courants artistiques du début du 20 ème siècle au travers de la vie trépidante de ses artistes. Étonnante Gabriele Picabia que ses arrières petites filles font renaître.