La suite immédiate de l’étonnant et très prenant « Vongozero », « Le Lac » confirme tout le bien que je pense de Yana Vagner et de son intrigue à la fois crédible et angoissante. Anna et les autres sont enfin parvenus au lac gelé de Vongozero, après une épopée épique sur les routes enneigées d’une Russie ravagée par un virus inconnu et terriblement mortel. Sur une île située eu milieu de ce lac, une minuscule maison sans confort et autour, rien à manger si ce n’est quelques poissons à pêcher sous la glace. Voilà Anna qui doit à présent cohabiter avec 7 autres adultes, un ado et deux enfants, dont l’ex de son mari Sergueï qui ne lui adresse pas la parole. L’inconfort, la faim, mais aussi la dépression, l’absence de perspective, le danger des autres et de ce virus qui rôde toujours partout, tout concoure à faire de cette quarantaine volontaire, de ce huis-clos forcé, un véritable enfer du quotidien. Si l’on excepte la fin, sur laquelle je reviendrai, « le Lac » enfonce parfaitement bien le clou de « Vongozero » avec son atmosphère étouffante malgré les températures glaciales. Le premier tome insistait sur la déliquescence de la société russe et tablait sur la côté « road movie » de l’intrigue, « Le Lac » est un huis-clos entre 8 adultes qui ne se sont pas choisis, qui ne s’aiment pas beaucoup parfois (pour ne pas dire plus) dans un espace minuscule sans confort et surtout sans rien à manger. Et c’est cette pénurie plus que tout le reste qui met évidemment les nerfs à vif. Tous les désaccords deviennent source de conflit, toutes les initiatives ressemblent à des coups de poker et le drame n’est jamais loin. Cette fois, contrairement au premier tome, la mort ne se contentera pas de leur tourner autour. Et puis ces trois types, de l’autre côté du lac, avec qui ils doivent nouer des relations méfiantes et ambigües, on sent bien que quelque chose va venir d’eux mais ça met du temps à venir, et quand ça vient on l’a tellement redouté que cela arrive comme une fatalité. Anxiogène et très crédible sur l’aspect psychologique, écrit dans un style agréable (même si certaines diversions flash back semblent longues et pas toujours très utiles), le livre de Yana Vagner se lit avec une facilité évidente et l’attachement que l’on ressent pour Anna est sincère. La fin, en revanche, est un peu décevante car un poil confuse, pleine de non-dits un peu difficiles à comprendre, un peu sèche aussi. Ouverte sans l’être, pleine d’espoir sans l’être réellement, les 10 dernières pages laissent une impression un peu étrange et mitigée. Mais il était sans doute très difficile de trouver une fin à une histoire de cet acabit et de cette force. Plus j’avançais et plus je me demandais « Mais comment va t’elle finir son histoire ? », elle a du se poser elle aussi cette question avant de choisir de surprendre son lecteur avec une fin imprévisible, à défaut d’être parfaitement lisible.
La faim comme détonateur
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