Fanny Cheyrou a suivi Max et Ludo, infirmiers de campagne à Saint-Perdon, dans les Landes, pour une plongée dans leur quotidien
Tout a commencé avec un reportage pour « La Croix L’Hebdo », où travaille Fanny Cheyrou. En réunion de rédaction naît l’idée de parler du soin en milieu rural. « Et là, tout le monde s’est tourné vers moi », rit la trentenaire qui vit à Paris mais dont les racines sont landaises. À Saint- Perdon, dans l’agglomération de Mont-de-Marsan, elle voit Max et Ludo, les infirmiers du village, se relayer auprès de sa grand-mère. En septembre 2019, les deux soignants acceptent qu’elle les accompagne, sans faire d’entorse au secret médical, sans publier d’images. Jeff Pourquié trace alors leurs portraits du bout de ses crayons, avec douceur et vérité, saisissant les détails qui créent une atmosphère à partir des photos de Fanny Cheyrou. Lorsque les éditions du Palais se sont intéressées au sujet, elle a embarqué l’illustrateur dans le projet. À l’heure du déconfinement, ils ont sauté dans un train pour les Landes. La journaliste, qui a parcouru la Birmanie ou encore le Népal pour des reportages au long cours publiés dans la revue « Panorama », a été touchée par « ces histoires à portée de main », sur les terres familiales : « Tout était là, je suis juste venue avec mon stylo. » Indispensables invisibles La vie de Max et Ludo est jalonnée de kilomètres à avaler au volant de leur voiture, de portes à franchir, de problèmes à résoudre et d’histoires à écouter. Fanny Cheyrou met en lumière cette profession d’infirmier de campagne, qui est presque invisible jusqu’au moment où on en a besoin. Ludo a monté son cabinet à Saint-Perdon et a été rejoint par Max, ils ont chacun leur caractère et leur approche mais sont animés du même feu. Par les soins qu’ils prodiguent à sa grand-mère, Fanny Cheyrou a pu assister à des moments d’intimité privilégiés. Elle a entendu ces discussions quasi philosophiques, les questionnements profonds de ces patients pour qui Max et Ludo sont parfois le seul lien avec l’extérieur, le seul repère. Le poids sur leurs épaules Ils lavent les corps, font le chignon de Marguerite, parlent avec Jean tout en lui donnant ses cachets, sont invités au mariage de Patrick et Suzon. Soigner sans juger, mais pas forcément sans s’attacher. Le poids qui pèse sur leurs épaules est lourd et leur solitude parfois infinie. « Ces métiers-là, si tu ne les vis pas, tu ne peux pas les comprendre, reprend Fanny Cheyrou. J’étais fatiguée à la fin de la journée, j’avais juste envie de me coucher en rentrant. Le paradoxe, c’est que c’est un travail épuisant dans lequel ils tirent l’énergie car ces patients sont leur moteur. Ils sont indispensables à des gens, je trouve ça beau. Ils se lèvent le matin avec ça et se couchent avec. » Max et Ludo sont bouleversants, leur quotidien, dépeint par la plume simple et élégante de Fanny Cheyrou, propulse le lecteur dans leur univers et rappelle que nos oncles, tantes, parents et grands-parents auront sans doute un jour besoin d’eux. « Quand le nouveau curé est arrivé, il leur a écrit un mot pour leur dire qu’il était bon de ne pas être le seul gardien du village », s’émeut l’autrice. Des gardiens silencieux et obstinés, qui partagent l’existence de ceux qu’ils soignent et les accompagnent aussi vers la mort. « Chaque vie est exceptionnelle », dit Ludo dans le livre, et avec Max, ils en prennent soin.
Les gardiens du village
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Ils sont infirmiers de campagne
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