Récompensé en 2017 par le prix Renaudot, c’est aujourd’hui adapté en bande dessinée que sort le roman d’Oliviez Guez. Scénarisé par Matz et mis en images par Jörg Mailliet, le livre est une plongée intense et progressive dans la fuite et la déchéance de Josef Mengele, médecin à Auschwitz, rendu bien trop célèbre par les expériences qu’il a menées sur l’être humain, en particulier sur les jumeaux, dans l’unique but de perpétuer la « race des seigneurs ».
Mais les Alliés ont gagné la guerre, et celui qui se voyait propulsé au plus haut sommet de la science doit fuir pour ne pas être livré à la justice. Comme de nombreux autres hiérarques du Troisième Reich, c’est en Amérique du sud qu’il trouve refuge, accueilli là par des dictateurs en mal de pouvoir et de richesse. Alimenté par des transferts d’argent en provenance d’une famille enrichie par la vente de véhicules agricoles, Mengele est balloté d’un endroit à un autre, caché chez des paysans qui, eux-aussi, profitent des subsides versés pour qu’on ne retrouve surtout pas le fameux « Ange de la mort », ce qui nuirait considérablement à l’image de la dynastie industrielle allemande.
Nourri d’une haine de plus en plus forte, d’un sentiment d’abandon et d’un intense ressentiment contre ceux pour qui il a « travaillé » à l’époque de l’apogée de l’Allemagne nazie, Mengele sombre dans la paranoïa : l’enlèvement par les services secrets israéliens d’Eichmann, son jugement et sa condamnation à mort accentuent sa peur.
Effectivement les chasseurs de nazis le traquent, le localisent et sont sur le point de le capturer, mais c’est sans compter sur les questions géopolitiques qui poussent le mossad à faire marche arrière. Et quand enfin les recherches reprennent à la fin des années 1970, ce ne sont que des ossements que l’on découvre en exhumant son corps : le médecin d’Auschwitz était déjà mort quelques années auparavant, victime certainement d’un AVC alors qu’il se baignait sur une plage isolée du Brésil, « sans avoir affronté la justice des Hommes ni ses victimes ».
Belle adaptation du roman de Guez, tant au niveau narratif que graphique. Quelques flashbacks dans le laboratoire d’Auschwitz ponctuent le récit et contextualisent parfaitement la fuite vers une Amérique du sud aux teintes sablonneuses. Les pages, de plus en plus sombres, se peuplent de blattes, de cafards et d’autres reptiles, l’ambiance y est de plus en plus visqueuse à mesure que le criminel s’engouffre dans sa rage, sa folie, et sa décrépitude. Le soleil revient en tout fin d’album, pour l’ultime baignade du vieillard esseulé.
La déchéance de l’ange de la mort d’Auschwitz
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