Lecoindesmots- 11/08/2022

Tragédie italienne

C’est à Ogno, dans le nord de l’Italie, que vit Barbie (parce que Barbara ça fait moins chic !), shampouineuse dans le salon de coiffure de sa bourgade, qui ne rêve que de la grande ville. Être sous les feux de la rampe en devenant modèle, présentatrice TV ou encore actrice. Peu importe le travail tant qu’elle accède à la gloire et à la richesse. Pour y parvenir, Barbie a un atout de taille, le seul sur lequel elle compte d’ailleurs : son corps. Qu’elle offre sans retenue aucune, à quiconque pourrait la hisser vers le haut, la sortir de sa misère sociale et économique. Il lui faut fuir Ogno, fuir Teresa, sa mère, qui n’a pas su claquer la porte au nez de Fausto, son père qui se pointe à nouveau après des années de silence. Fuir cette vie banale et terne à en crever. Seulement, une ombre vient noircir le tableau : ses seins. Trop petits, pas assez dessinés, les mamelons pas assez précis… bref, rien ne va. Barbie le sait, le sent, entre la gloire et elle, sa poitrine est le seul obstacle. Un coup de bistouri est tout est réglé. Alors, le jour où Ric, le propriétaire du salon où travaille Barbie, propose à cette dernière et à son meilleur ami, Maicol, de se faire quelques milliers d’euros, Barbie ne voit rien d’autre que le ticket gagnant qui lui permettra d’accéder, enfin, à la vie qu’elle mérite. Et tant pis si la combine est illégale et dangereuse. Au fil des pages, c’est tout un système qui emprisonne, qui empêche, que dénonce Nadia Busato. Parce que si ce livre est un roman, il trouve avant tout racine dans un fait-divers. Dès lors, la vie des habitants d’Ogno prend un tour tragique et universel et alors que Barbie, Ric, Maicol et les autres pourraient nous faire sourire, on assiste, impuissant, à leur déchéance précipitée par ce monde capitaliste qui veut nous faire croire que courir après la richesse est synonyme de poursuite du bonheur. Parce que, ce que nous dit Nadia Busato, c’est qu’il n’y a pas d’issue pour les gens comme Barbie, ou Maicol ; Parce que l’une est femme, l’autre homosexuel. Et que notre système actuel impose un modèle qui ne permet pas de choisir. Ils rêvent d’être comédiens mais on ne leur donne même pas les moyens d’être acteurs de leurs propres vies. Alors nous, lecteurs, on tourne les pages jusqu’au drame, inévitable. Si l’histoire de Barbie et des autres n’était pas un fait-divers, ce roman serait une véritable et incroyable tragi-comédie. Mais voilà, tout ça, c’est bien réel. De quoi avoir la rage. Un roman qui questionne autant qu’il dénonce, dont la narration, comme sa compréhension, peut se faire sur deux niveaux.