Khalil roule de Belgique vers le Stade de France avec son copain d’enfance Driss et un autre type qu’il ne connait pas. Nous sommes le 13 novembre 2015, et Khalil ne va pas au Stade pour voir France –Allemagne, il a une ceinture d’explosif autour de la taille et sa mission est de se faire sauter dans le RER après le match. Mais au moment d’appuyer sur le bouton, rien ne se passe et Khalil, qui s’était préparé au martyr, est désemparé et perdu : le bouton n’était qu’un leurre et la ceinture devait être actionnée à distance. Le voilà seul dans un Paris à feu et à sang, complètement perdu face aux évènements : L’Histoire s’écrit sans lui. Le roman de Yasmina Khadra est court, à peine 15 petits chapitres et 200 pages. Mais il ne lui en faut pas davantage pour nous faire entrer presque malgré nous dans la tête de ce gamin à la dérive. Que les choses soient bien claires, Khalil ne nous sera jamais sympathique, à aucun moment il ne nous fera adhérer à un atome de ses obsessions mortifères, mais a à travers lui, Yasmina Khadra tente de comprendre. Comment en est-il arrivé là, ce gamin perdu de Belgique ? Il n’est né ni religieux, ni fou furieux, ni intégriste alors pourquoi et comment en est-il arrivé là ? Le glissement progressif (et si rapide) de ce gamin en colère contre tout sonne vrai et fait froid dans le dos. Il est colère contre la société belge, contre le déracinement qui fait de lui un étranger partout, y compris au Maroc, contre le patriarcat de sa culture. Il n’a pas fallu longtemps aux imams intégristes pour donner un sens à cette colère et à cette vie de rien qui ne va nulle part. Khalil cherche à comprendre pourquoi sa ceinture n’est pas explosée, le doute s’est enfin infiltré en lui. Mais le mal est si ancré en lui qu’il ne désire qu’une chose, qu’on lui redonne sa chance. Au travers de ses relations avec sa mère, son père, sa sœur ainée, sa sœur jumelle, son autre ami d’enfance Rayan, on comprend que Khalil a devant lui une minuscule porte de sortie mais qu’il refuse obstinément de la voir. La fin du roman, plus amère que douce, nous laisse un peu sonné. « Khalil » est un roman très incisif, écrit avec gravité mais sans emphase, toujours à hauteur d’homme et qui forcément nous laisse sur une impression ambigüe. Quand on referme le livre, on a l’impression d’avoir un tout petit peu compris le cheminement de ce gamin vers l’innommable. C’est une lecture un peu éprouvante, mais parfois, c’est la fiction et la littérature qui peuvent nous mettre sur le chemin d’une meilleure compréhension des choses. Comprendre n’est pas évidemment pas excuser, mais comment combattre un phénomène si on ne cherche pas à le comprendre d’abord ? Yasmina Khadra, avec « Khalil », réussi cet exercice impossible, son livre est puissant.
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Safwan
Un avis à la hauteur de la justesse des mots de Yasmina Khadra.
Comprendre sans excuser
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Safwan
Un avis à la hauteur de la justesse des mots de Yasmina Khadra.
317 jours
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