Evergreen13- 25/10/2024

La porte rouge

Je remercie infiniment Babelio et l’éditeur, Harpercollins (et notamment la collection Au gré du monde) pour m’avoir adressé ce magnifique roman dans le cadre d’une masse critique privilégiée. June en est certaine : elle sera la dernière des Farrow. Elle ne se mariera pas et surtout elle n’aura pas d’enfant. Ainsi, elle brisera le cercle de la maladie qui touche, depuis toujours, les femmes de sa famille. Une maladie dont vient de s’éteindre Margaret, sa grand-mère adorée, et qui, depuis déjà un an, la touche déjà. June sait qu’elle sera bientôt incapable de vivre normalement et de s’occuper de sa ferme florale, dérivant de plus en plus entre rêve et réalité, comme Granny et comme sans doute Susanna, sa mère, disparue (au sens propre du terme) lorsqu’elle était bébé. Pour tenter de comprendre et repousser autant que faire se peut la folie qui la guette, June se plonge dans le passé familial et collectionne les articles de presse qui relatent le meurtre, toujours non résolu, du pasteur Nathaniel Rutherford, survenu en 1950, pressentant de manière inexplicable, qu’il se rattache à l’histoire des Farrow. Alors que les hallucinations se font de plus en plus fréquentes (June les note scrupuleusement dans un petit carnet) et de plus en plus insistantes (des voix qui l’appellent, une silhouette sur son porche, du sang qui coule de ses mains, et surtout, une porte rouge qui apparaît de manière impromptue), June reçoit une photo, postée par sa grand-mère avant son décès… Elle n’a plus d’autre choix que de se confier à Birdie, la plus fidèle amie de son aïeule, Birdie qui, au retour du cimetière lui avait donné la montre médaillon qui ne quittait jamais Margaret en lui recommandant de ne pas s’en séparer. Si Birdie écoute June avec attention et tente de la rassurer, elle ne peut trahir le secret de Margaret, mais lui conseille de ne pas hésiter à franchir la porte rouge la prochaine fois qu’elle lui apparaîtra. J’ai adoré ce roman qui revisite avec brio un thème que j’aime beaucoup, celui des voyages temporels et des univers parallèles. Ici, pas de machine à remonter le temps, pas d’engin sophistiqué mis au point par des ingénieurs avant-gardistes : une montre à quatre aiguilles à qui il manque des chiffres et une simple porte ! En la franchissant, June va découvrir une réalité qu’elle était loin d’imaginer et devoir faire un choix presque impossible. Ce roman est brillant et terriblement addictif. L’intrigue est particulièrement riche : on y voyage donc entre les années cinquante et le présent, mais l’auteure aborde aussi des sujets graves, les maladies mentales et les violences faites aux femmes, la mémoire individuelle et familiale, le tout saupoudré d’une touche de thriller et d’une très belle histoire d’amour. June, le personnage central, va beaucoup évoluer au cours des 450 pages de ce livre et l’auteure a pris grand soin de ceux qui gravitent autour d’elle, notamment Eamon et la petite Annie. L’atmosphère d’une petite ville rurale de Caroline du Nord au début des années cinquante où tout le monde se connaît et s’épie, est fort bien retranscrite, tout comme les détails relatifs à la culture du tabac et à celle des fleurs. J’ai quitté avec regret les femmes de la famille Farrow dont le destin m’a beaucoup touchée, passant sans difficulté les quelques invraisemblances et questionnements qui perdurent. Enfin, un mot sur l’objet livre qui est superbe : la couverture avec ses fleurs et ses plantes entrelacées, dans des teintes allant du vert au rouge en passant par l’ocre, ses motifs dorés en relief et surtout, ces mêmes fleurs qui sont présentes sur la tranche de l’ouvrage…