Un ouvrage pluriel qui plonge le lecteur au cœur de la ZAD (Zone à Défendre) de Notre-Dame-des-Landes. Bien plus qu’un simple site de résistance contre un projet d’aéroport, la ZAD se révèle dans ce livre comme un espace d’expérimentation sociale, politique, et écologique. La complexité de ce lieu, où se mêlent des idées, des espoirs, et des contradictions, est au centre de la réflexion collective que propose ce recueil.
La ZAD ne se laisse pas facilement résumer. C’est un assemblage hétérogène d’individus aux opinions et intérêts divers, qui tentent de cohabiter dans une solidarité fragile, mais réelle. On y trouve des agriculteurs, des anarchistes, des écologistes, des syndicalistes, et bien d’autres, tous unis par la volonté de créer une alternative au capitalisme et à la destruction de l’environnement. Cette utopie imparfaite est loin d’être monolithique ; elle est en perpétuelle évolution, traversée par des conflits internes et des désaccords, mais aussi par un désir commun de construire quelque chose de différent.
Le concept de préfiguration, exploré dans plusieurs des textes du recueil, illustre cette tentative de créer dès maintenant les bases d’une société nouvelle, à l’intérieur même de l’ancienne. Ce principe s’oppose à l’idée que “la fin justifie les moyens” en affirmant qu’il est essentiel que les moyens employés reflètent les valeurs que l’on souhaite voir triompher. Cependant, cette expérience est menacée par une répression étatique d’une brutalité extrême, marquée par l’usage disproportionné de la force : grenades, encerclements, et militarisation. Cette violence pose la question de ce que l’État cherche à détruire avec tant d’insistance – peut-être la simple idée qu’une autre voie est possible.
L’ouvrage critique également la stigmatisation des zadistes, souvent perçus comme des “éco-terroristes” par un pouvoir qui refuse d’envisager l’existence d’alternatives. Les contributions variées du livre témoignent de cette réalité complexe, en abordant la ZAD tantôt comme une utopie en devenir, tantôt comme un lieu de résistance quotidienne au capitalisme.
Un des points forts de ce recueil est la nouvelle d’Alain Damasio, “Hyphe”, qui imagine la ZAD en 2045. Ce texte clôt le livre sur une note poétique et futuriste, en dépeignant un monde où la ZAD a survécu, malgré les pressions de géants comme Suez et LVMH. Damasio projette un avenir où les belles causes qui animent aujourd’hui les zadistes continuent de prospérer, où les petites querelles internes n’ont pas détruit l’utopie, mais l’ont plutôt renforcée. “Hyphe” offre un horizon d’espoir, où les idéaux de la ZAD se perpétuent et résistent aux forces capitalistes, malgré les défis.
Toutefois, il est vrai que l’ouvrage peut parfois sembler redondant, notamment en raison de l’urgence dans laquelle les textes ont été rédigés. (En pleine attaque militaire de la ZAD, en avril 2018) Cette répétition, si elle peut parfois freiner la lecture, ne diminue en rien la richesse des réflexions proposées. “Éloge des mauvaises herbes” est un livre à lire pour quiconque s’intéresse aux alternatives sociétales et aux formes de résistance contemporaines.
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Eloge des mauvaises herbes : ce que nous devons à la ZAD
Laboratoire d’utopies et de résistance
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Eloge des mauvaises herbes : ce que nous devons à la ZAD
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