Parole de lectrice- 16/09/2019

Intense et bouleversante lecture

Dès le prologue on sent qu’on pourrait bien être tombé sur une de ces pépites que toutes les rentrées littéraires nous réservent : «L’enfance est une atmosphère. Décor impalpable et mouvant, mélange d’odeurs et de lumières. Les silhouettes qui l’habitent sont fuyantes, et finissent par s’envoler. Sa mélodie est apaisante, la seconde d’après elle se met à grincer. Agonie à l’envers, épopée ordinaire, c’est le début de tout ; une fin en soi. L’enfance est irréparable. Voilà pourquoi, à peine advenue, nous la poussons dans les abîmes de l’oubli. Mais elle nous court après – petit chien fébrile – et nous poursuit jusqu’à la tombe. Comment peut-on en garder si peu de souvenirs quand elle s’acharne à laisser tant de traces ?» Clarisse Gorokhoff dédie à ses sœurs, cette poignante déclaration d’amour à leur mère, une femme submergée par ses démons et ses addictions, éreintée par un corps qui réclame sans cesse son dû d’opiacés, déchirée entre l’amour de ses trois fillettes et le vertige du manque. Des fillettes courageuses, prêtes à défier et à tenir tête au monde « normal », portées par un amour maternelle aussi puissant que terrifiant. Si Clarisse Gorokhoff a été privée de maman trop jeune, elle avait reçu assez d’amour pour une vie entière, assez pour en rendre et écrire cet intense et bouleversant hommage à une femme désarmée et empêchée malgré elle.