BookLy- 30/09/2021

Petite soeur, mon amour

Skyler a dix-neuf ans quand il décide d'écrire son histoire. L'histoire de sa petite sœur. Six ans. Star précoce du patinage artistique. La fierté de son quartier. De l'Amerique bientôt. Six ans. Retrouvée morte dans la chaufferie, les mains ligotées, la bouche baillonnée. Assassinée. Skyler raconte, de façon désordonnée, à la façon d'un manuscrit, avec ses ajouts et ses râtures. Raconte avant. Les ambitions maternelles déçues. Le besoin paternel d'un héritier, qui brille, qui braille, qui chante l'Amérique, la belle, la grande Amérique. La réussite sociale. La belle maison, les enfants bien coiffés, et ça sent bon l'amour familial jusque dans le cœur des domestiques. C'est beau, et c'est tellement beau, que ça sonne creux. Raconte le moment. Ce dont il se souvient. Si peu, si flou. Raconte après. Comment papa et maman s'en sortent. Et comment Skyler sombre. Je pourrais dire que Joyce Carol Oates refait l'histoire. Fait entrer les accusés. Puisque le roman s'inspire d'un fait divers sordide bien célèbre aux Etats-Unis. Mais ce serait formidablement réducteur. A travers ce fait d'actualités, c'est toute une critique sociale qui se deploit. Pas une image d'Épinal, un parti qui ne soit égratigné, saigné à blanc, exhibé dans sa pure nudité. De la presse aux psychologues, psychiatres et autres spécialistes de la médecine enfantine, en passant par la façade bien propre de la petite famille parfaite des quartiers chics, l'Amérique est chaos debout. Il vous faudra avoir le cœur bien accroché, parce que l'auteure, loin d'en rajouter, trouve pourtant le ton juste. Les deux tiers du livre sont glacants, le lecteur ne ressort pas indemne de l'enfance de Skyler et de Bliss... La plume tantôt ironique, tantôt assassine, en tout cas jamais pathos ou en excès de zèle. Faute de justice, voilà au moins de la justesse :D