SudOuest- 30/03/2020

Un jeune homme d’hier pour aujourd’hui

Ce seront ses derniers mots. En date du 20 septembre 1962. « Je suis fatigué des hantises, des scrupules, des arrière-pensées, des retours en arrière qui me divisent. Je suis fatigué de me remettre en question. J’ai envie d’attaquer. Ne plus hésiter, ne plus reculer devant rien. Aller jusqu’au bout de toute chose, quelle qu’elle soit, de toutes mes forces. » Pari tenu. Ce sera donc la mort, deux jours plus tard, au volant d’un coupé Mercedes, à la sortie d’un méchant virage d’un bourg des Yvelines. À toute vitesse.À 26 ans, ce fils de bonne fa-mille parisienne, Jean-René Huguenin, laissait derrière lui un unique roman, « La Côte sauvage » et auprès de tous ceux qui le connurent et de ses lecteurs, un souvenir flamboyant qui ne s’est jamais tout à fait éteint.Deux ans plus tard, paraîtra son journal qui est aujourd’hui réédité (complété et enrichi) dans labelle collection Signatures de chez Points. Qu’y retrouve-t-on ? Un jeune homme qui n’était résolument pas de son temps, portait à cette ab-sence une énergie totale et qui semble avoir eu comme la prescience de sa fin prématurée.Bien sûr, il fraya un peu avec la revue « Tel Quel »,mais l’aventure fut sans lendemain et aux Sollers ou Lacan qui tenaient déjà le haut du pavé littéraire d’alors, préférait lire et relire Péguy, Bernanos, Gracq ou Mauriac (qui signa la pré-face, bouleversante, de ce journal à sa parution). Et bien entendu, il est si inactuel qu’il est aujourd’hui au cœur de notre temps. L’orgueil parfois démesuré du presque encore adolescent fait peu à peu place à la douleur sourde de l’homme qu’il eut le temps de devenir. Et à ces questions qui n’ont jamais de réponse : com-ment vivre ? Comment vivre et laisser mourir autrement qu’en écrivant ? _ Olivier Mony