« Dans le jardin de la Bête » est rangé au rayon polar, c’est pourtant un livre qui va bien au-delà de cette case une peu réductrice. Dans son « roman », historiquement très documenté et parfaitement fidèle à la réalité (autant que je puisse en juger), Erik Larson dresse le portrait de William Dodd et de sa famille, nommé (un peu par défaut) ambassadeur des Etats-Unis dans l’Allemagne nazie de 1933 à 1937. Historien, profondément démocrate et bien plus lucide que la plupart de ses contemporains, Dodd sera le seul à percevoir avec acuité ce qui se trame dans le Berlin des années 30, et échouera à alerter son pays et ses contemporains du cataclysme qui s’annonce. En effet, outre atlantique, le Département d’Etat méprise tellement cet ambassadeur qui n’est pas du sérail qu’il refuse de l’entendre, obsédé qu’il est par l’isolationnisme et… le remboursement de la dette allemande de la Première Guerre Mondiale. La fille de Dodd, une femme volage et frivole (pour ne pas dire superficielle) l’accompagne à Berlin. Elle sera tout d’abord emballée et fascinée par le national socialisme avant de déchanter, très lentement mais surement, au fil des exactions, des lois liberticides et des pogroms. Le style enlevé et alerte de Larson fait passer pour un roman ce qui est en réalité un travail d’historien, et les 50 pages de notes et de bibliographie à la fin de livre peuvent en témoigner. En narrant les aventures de Dodd et de sa fille dans l’Allemagne nazie, leurs rencontres, les amitiés, Larson réussi son coup à merveille : dépeindre une atmosphère. Dans un style ultra accessible (et historiquement, je le répète, très pointu), il dépeint avec quelle facilité une poignée d’homme malfaisants peuvent manipuler une société tout entière, la plonger dans une peur permanente, dans une suspicion généralisée et la précipiter vers le Mal. Larson insiste sur le déni, l’aveuglement des démocrates et des démocraties devant Hitler, et comment ce dernier se joue d’eux sans vergogne, sans même cacher ce qu’il envisage à court et moyen terme. Même si l’absence d’intrigue, l’omniprésence de la politique et le côté « leçon d’histoire » peuvent rebuter certains lecteurs, « Dans le jardin de la Bête » est un livre que tout le monde devrait lire, ne serait ce que parce qu’il sera toujours pertinent et toujours d’actualité.
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