Les premières pages m’ont fait craindre le pire. Le décor morne d’une ville de l’Est parisien, fait de barres d’immeubles et de modestes pavillons. Je m’attendais à tomber sur un énième auteur chaussant ses lunettes de sociologue sur le nez. Afin de porter son regard au-delà du périph’ comme il est de bon ton de faire, une fois l’an, afin de se faire bien voir des cénacles parisiens. Et de rappeler à la face du monde « sa parfaite connaissance du corps social » ou « se donner des nouvelles du réel » comme le dit si bien un grand faquin des lettres modernes.
Il n’en est rien avec ce premier roman de Youness Bousenna. C’est d’abord l’histoire d’un parcours : celui de Marc Pépin. Il grandit dans un milieu familial sans histoire, une routine, un ennui qu’il va chercher à fuir dans une trajectoire de vie qui va l’amener à choisir le métier de reporter de guerre/spécialiste du Moyen-Orient pour Le Figaro. Il y sacrifiera sa vie de famille et de couple. Une fuite en avant d’un personnage égoïste, antipathique qui questionne et intellectualise trop son rapport à l’autre alors qu’il devrait lâcher prise, mettre son ego de côté et apprendre à aimer sans condition.
Au sein de ces « présences imparfaites », il faut tout de même relever quelques imperfections. Je ne suis pas un habitué des récits qui ont des tendances à l’autofiction, le récit linéaire un peu prévisible ne contentera pas forcément tous les lecteurs. J’ai néanmoins dévoré ce premier roman en l’espace d’une journée. Preuve d’une certaine efficacité narrative. Autres imperfections : l’abus de noms de grandes marques. Une volonté sans doute de l’auteur de créer des repères à la fois physiques (centre commercial Belle Épine) et temporels (album Panini, catalogue La Redoute), le récit aurait gagné à ce que ces noms soient réduits un minimum. Cela tranche avec la vraie plus-value du roman, qui est la qualité des réflexions, et cela passe forcément par un énorme travail dans le choix des mots.
Je reste donc enthousiaste. Pour un premier roman, Youness Bousenna s’en sort plutôt bien. On pourrait rétorquer un certain manque d’originalité pour son personnage principal, sorte d’antihéros pathétique et antipathique. Un être narcissique comme la modernité en produit à la pelle. Reste une belle plume et des réflexions introspectives que j’aimerais revoir à l’avenir dans un ouvrage encore plus maîtrisé.
Un auteur à suivre…
Un auteur à suivre…
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Les présences imparfaites
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