Libraire34- 31/03/2019

Un chef-d'œuvre

Le voleur de Bible, de Göran Tunström, Actes Sud 1988 Johan, petit-fils de ferrailleur issu d'un milieu misérable est confié enfant à la famille de son oncle, où il grandit avec 11 frères et sœurs dans un petit village Suédois. Sa mère adoptive Ida s'est mariée trop jeune avec Fredrik, un homme qu'elle aimait et qui s'est révélé être d'une nature odieuse. Ce père qui n'en est pas un a laissé Ida endosser la totalité des responsabilités de la famille, l'amenant sur la voie du désespoir et de l'assèchement de sa vitalité d'antan. Heureusement, une relation indescriptible s'est nouée entre Ida et Johan, n'étant pas son fils biologique, il lui a permis grâce à sa présence lumineuse et sa compréhension aiguë du monde qui l'entoure, d'ouvrir une porte à l'intérieur de son âme et d'échapper au joug imposé par un mari peu éduqué et violent. Embellie par des envolées poétiques magnifiques et des fulgurances narratives, la première partie de ce roman est un coup de maître d'une finesse magistrale où la violence sociale et familiale, les rapports humains et la nécessité de s'extirper de sa condition sont dépeints comme rarement ils ne l'ont été. Comme une mise en abîme de son enfance, Johan ayant grandi, revient dans la seconde partie de l'ouvrage à la manière d'une confession sur ce passé tumultueux qui l'a amené par des chemins tortueux à devenir l'un des plus érudits savants de son temps. Ce roman montre la dévotion inconditionnelle d'un frère pour sa sœur Hedvig et sa mère adoptive. Il y aura pour moi un avant et un après "Le voleur de Bible", il existe en Babel et je vous le recommande chaudement. Je n'ai pas encore lu "le Monde selon Garp", mais Hubert Nyssen dans la quatrième de couverture osait la comparaison. L'écriture de Tunström est d'une beauté bouleversante, d'une intelligence qui transperce les apparences et d'une érudition vulgarisatrice. C'est l'histoire d'un enfant qui s'est élevé grâce aux livres, grâce à la bibliothèque où il s'est réfugié étant enfant pour échapper à la violence de son quotidien, la connaissance en forme d'exutoire et de rempart face à la bêtise des hommes.