exquisite- 05/02/2024

La perplexité faite livre

Ayant lu et détesté le tome 1, je ne m'attendais pas à grand chose. Et nom d'un pamplemousse, je n'étais pas prête du tout. Il est encore PIRE que le précédent. Mais, et en cela réside ma perplexité, d'une façon complètement, radicalement, différente. Acotar 1 n'était en réalité que le préambule à la véritable histoire de la série, il me semble. Pour moi, l'histoire d'amour, l'intrigue, tout commence dans ce tome 2. Merci de m'avoir fait perdre du temps et des neurones. Et Dieu j'ai détesté ce tome 2. Pourquoi ? Parce qu'il est l'exemple parfait de ce que le féminisme n'est pas, et ne doit jamais être. On dirait que l'auteure tente maladroitement de faire amende du sexisme nauséabond omniprésent dans son premier tome, et soyons honnête, elle s'y prend extrêmement mal. Feyre, après les évènements du tome 1, est clairement dépressive et traumatisée. J'ai beaucoup aimé la justesse avec laquelle SJM dépeint sa détresse. C'est bien l'unique qualité de tout le bouquin (et qui l'eût cru, surtout, que ce soit Feyre la personnage la plus normale du bordel ?). Le reste ? Un carnage. Tamlin subit un assassinat scénaristique éhonté, passant de pauvre con à psychopathe à abattre en deux pages. Aucune raison, aucune tentative d'explication à un tel revirement, aucune profondeur, il devient juste méchant, dominateur, toxique, et tremplin rêvé pour... Rhysand. Et oui, forcément. La réputation du fae n'en devient que bien moins terrible, en comparaison. Pire, on découvre que tout ça n'était que mensonges, que Rhys est un brave gars ! Conneries. C'est un autre genre de manipulateur, qui arrive pile au bon moment dans la vie d'une personne brisée, qui ne peut qu'apprécier son approche radicalement différente de la romance. Quid de l'émancipation féminime, de l'indépendance de l'esprit, Feyre ne pense et n'agit qu'à travers la validation permanente de Rhys. Validation cristallisée par cette simple phrase "C'est ton choix, Feyre", qu'on répète à la nausée. Le marlou a inventé le girl power, dites moi. Pouloulou. La jeune femme sort d'une relation où rien ne lui était permis, évidemment qu'elle va adorer celui qui lui offre les clés de la liberté sur un plateau - sans jamais les saisir elle-même, notez bien, ni même y être encouragé. Dangereuse pensée que celle-ci, et si vous n'y voyez pas de problème, réfléchissez cinq minutes à ce que le mot "indépendance" veut dire. Feyre n'a jamais d'occasion d'être réellement libre. Elle ne pense jamais par elle-même, et emprunte systématiquement des chemins que d'autres lui désignent. Et pour enfoncer le clou, voilà le fameux trope de l'âme sœur qui vient définitivement lui passer la laisse. Formidable. Planquez-vous le jour où la pauvre devra faire ses lacets toute seule, cela augure la crise de nerfs. Tout ce délire m'a tellement perturbé et énervé que je n'ai pas prêté attention au reste. Et pour cause. Il n'existe pas. Nous avons une intrigue simplifiée au possible tellement lointaine que les principaux concernés s'en foutent complet. Les conflits se résolvent en cinq minutes dans les 100 dernières pages, avec une fin prévisible comme pas possible - qu'on devine à la seconde où l'antagonisme Rhys/Tamlin se cristallise officiellement. Et devinez qui figure de trophée ? Feyre, bien entendu ! Les autres personnages ne m'ont pas marqué. Ils sont là pour jouer la bande d'amis beaufs, mettre en valeur Rhys, et raconter pendant 30 pages des flahs back tragiques d'histoire dont tout le monde se care l'oignon. Cette lecture a été un calvaire, et incarne à la perfection le dicton "trop beau pour être vrai". Pour le bien de ma santé mentale, je ne lirai pas la suite, car j'en ai assez de ces conceptions nauséabondes sur les relations humaines qu'on enrobe d'érotisme (très mal écrit d'ailleurs) pour nous vendre ça comme de l'amour. Il n'est jamais question d'amour dans Acotar. JAMAIS. L'amour, au sens large, repose sur l'équité, le respect et la compréhension d'autrui. Ici, nous n'avons affaire qu'à de la manipulation permanente, de la domination, et de l'emprise. Les relations de Feyre ne sont jamais constructives, ne sont jamais saines, ne lui apportent rien sur le plan développement personnel et émotionnel. Le problème c'est que manifestement beaucoup de personnes ne le voient pas, probablement parce que SJM elle-même ne trouve rien à redire. Et c'est le plus inquiétant. Cela montre à quel point notre vision globale de la relation affective a été occulté par des années de toxicité et de mysoginie internalisée. Si une auteure de romance parvient à créer une situation amoureuse encore plus nauséabonde que la précédente, persuadée de bien faire. Trop beau pour être vrai, en effet. Donnez donc une médaille à Rhys et couronnez le roi du féminisme. Pensez juste à le guillotiner ensuite.