Julien.Leclerc- 20/05/2023

Le parcours de l'écriture

Ce livre, exercice pudique d’autoportrait ou de voyage intérieur, se concentre autour des mots, de leur apprentissage, de leur usage et et de leur transmission. En tant qu’écrivaine et traductrice, Laura Alcoba manie la langue argentine et celle française. Elle est la mer douce du titre et coule entre deux rives culturelles. En ouvrant son texte par la souvenir de l’annonce de sa première publication, elle remonte le cours de sa mémoire et de sa relation avec le langage. Son entrée dans la maison Gallimard l’amène à parler d’un de ses compatriotes, Hector Bianciotti, lui aussi tiraillé entre sa langue maternelle et celle dans laquelle on entre. Elle parle de l’attention portée au choix des mots. L’écriture devient alors orfèvrerie. Au moment où elle publie, Hector Bianciotti a des troubles de la mémoire. La vie et ses moyens pour l’appréhender lui échappent. C’est ce fossé dont la tragédie intime est capté qui anime le récit, le retour en arrière vers les prémices. Avec douceur – celle qui n’étouffe jamais la violence et la brutalité de la vie et des sentiments -, l’autrice nous parle de son enfance. On découvre alors un pays heurté, des opposants politiques pourchassés et Laura Alcoba, enfant, obligée de changer de nom, de jouer avec les mots pour mentir. Au fur et à mesure du récit, on perçoit tout l’apprentissage de la réalité et le poids de leçons d’une vie. Sa vie, ses souvenirs et son amour pour la littérature se mêlent. Ce livre est un hommage au croisement des cultures, à celles et ceux qui ont nourri son rapport aux mots. On retrouve la profonde écoute de l’autrice pour le monde, une écoute et un sens du collectif déjà présents dans Le Bleu des Abeilles ou l’une de ses dernières traductions, Les Vilaines de Camilla Sosa Villada.