Ce petit recueil compile 11 petites nouvelles noires autour d’un thème central, une sorte de fil rouge : le bruit (pris dans le sens le plus large possible : les sons, l’audition, la surdité, le silence…). D’après ce que j’ai compris, il s’agit, pour les éditions Belfond, de compiler des recueils de nouvelles de type « thriller » autour des 5 sens. J’entame donc cette exploration des 5 sens par l’audition. Ici, donc, on retrouve des plumes connues avec pour triple mission de produire une nouvelle de dépassant pas une quinzaine de page, de respecter le fil rouge et d’offrir une chute spectaculaire et si possible, inattendue. Un même cahier des charges, un même fil rouge et pourtant des nouvelles qui ne se ressemblent jamais, ce qui rend la lecture très agréable. Comme toujours dans ce genre d’exercice, il y a du très bon et du (un peu) moins bon, selon les affinités que l’on entretient avec tel ou tel auteur, c’est la loi du genre. Mais c’est aussi une porte d’entrée vers des auteurs qu’on ne connaît pas encore, et qu’on peut avoir envie de découvrir sur la longueur.
La première nouvelle est écrite à 4 mains (et quelles mains : Giebel/Abel!) autour de la fugue de deux adolescents sourds-muets, et dont la chute est terrifiante et très anxiogène. J’aime beaucoup celle offerte par Nicolas Lebel : une jeune femme convoquée à une confrontation avec son agresseur dans des locaux policiers à côté d’un chantier en construction, c’est une nouvelle riche en symbole et en ironie. Bien peu de noirceur dans la nouvelle de Romain Puertolas mais elle est assez croustillante et drôle. Cédric Sire, dont je ne suis pourtant pas une très grande fan, n’est pas en reste avec une nouvelle très courte mais percutante (quoiqu’un peu sordide) sur la manipulation et la psychopathie. Elle peut-être rapprochée de celle de RJ Ellory (le nom francophone du lot) qui navigue dans les mêmes eaux. Quelques nouvelles flirtent avec le fantastique et ce n’est pas celles que je préfère comme celles de François Xavier Dillars ou Laurent Scalese (peut-être les moins fortes du livre) et d’autres carrément avec la science-fiction. C’est le cas de Jérôme Camus et Nathalie Hug, avec leur nouvelle dystopique cataclysmique mais en même temps pleine de poésie, où des hommes du futur bien mal embarqués écoutent avec ravissement les sons du néolithique grâce à une poterie. C’est drôle car des sons qui viennent s’incruster accidentellement sur de l’argile grâce au tour d’un potier tel un microsillon est une idée que j’avais déjà lu (ou vu) quelque part dans une fiction, je ne sais plus où exactement, mais je l’aime beaucoup ! Sophie Loubière, que j’ai découvert récemment, propose une nouvelle typique du polar, un peu éloignée du fil rouge mais dans son genre, terriblement efficace, sur une femme avec des écouteurs dans les oreilles agressée devant chez elle : une intrigue toute simple pour une histoire tragique. Je termine par évoquer Sonja Delzongle, efficace et intrigante dans une histoire d’acouphène planétaire, et Maud Mayeras avec une nouvelle tragique sur le deuil. Dans tous les cas, la chute de la nouvelle tombe comme un couperet, et c’est souvent efficace. Voilà un recueil varié sur un thème commun mais décliné de façon maline et sans jamais se répéter. « Ecouter le noir » est l’occasion de retrouver des auteurs qu’on adore mais aussi de découvrir d’en découvrir de nouveaux.
Le mur noir du son
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