C'est le titre de ce livre qui m'a attirée, avant même de lire le 4ème de couverture. Mais la première phrase "c'est en avril 1994 que j'ai demandé à Dieu de divorcer" qui donne immédiatement le ton m'a directement frappée au cœur...
1er avril 1994 : Sacha Alona, grand reporter de guerre pour le journal Le Temps, est envoyée par son rédacteur en chef en Afrique du Sud pour y couvrir le "renouveau démocratique". Sacha, qui rentre de Kaboul, rechigne à accepter ce travail, mais elle se laisse convaincre, certaine de trouver l'angle particulier qui fait le sel de ses articles. Au Cap, elle retrouve Benjamin, un photographe qu'elle connaît bien, mais à peine arrivés, les voilà impliqués dans un accident de la circulation, leur voiture de location ayant embouti l'arrière d'un gros camion. Ils ne sont pas blessés, mais la voiture est fichue. Le camion n'a rien mais le choc a fait tomber l'une des caisses de la cargaison et les deux journalistes s'aperçoivent qu'il s'agit d'armes, des fusils mitrailleurs et des machettes. Dans le camion, il y a beaucoup de caisses... et dans le convoi, au moins quatre camions.... et dans chacun, un militaire qui porte un uniforme avec un R sur la manche. Benjamin prend quelques photos mais ils sont mis en joue et s'échappent de justesse. Le lendemain, à l'hôtel, ils sont victimes d'intimidations et de menaces et l'appareil photo de Benjamin est volé. Il n'en faut pas plus pour réveiller l'instinct de grand reporter de Sacha : quid de ce convoi transportant des armes ? pour qui ? pour quelle destination ? La destination, ils découvrent qu'il s'agit du Rwanda et décident de s'y rendre sans délai, pressentant qu'il se passe quelque chose de grave.
En arrivant à Kigali, il sont frappés par l'atmosphère étrange, lourde et délétère dans laquelle baigne la capitale. Le patron de l'hôtel où ils s'installent, Lando, accessoirement ministre du travail, leur présente Daniel, un jeune médecin qui a rejoint Paul Kagame et les forces du FPR. Daniel tente d'expliquer aux deux français les origines du conflit qui menace son pays, la rivalité entre Hutus et Tutsis, entretenue d'abord par la décolonisation, puis par les protectorats belges et français dont bénéficie officieusement le Rwanda, le pouvoir détenu par les Tutsis, puis par les Hutus, la haine soigneusement attisée entre les deux ethnies (qui n'en sont pas, en réalité, les Hutus et les Tutsis étant des catégories sociales liées à l'activité exercée - les Tutsis sont propriétaires de troupeaux, les Hutus des agriculteurs).
Au même moment, le 6 avril 1994, l'avion transportant notamment le président Rwandais et celui du Burundi est abattu par un tir de missile au moment de son atterrissage. Cet attentat met le feu aux poudres : du 7 avril au 17 juillet 1994, plus de 800 000 personnes (majoritairement Tutsis, hommes, femmes, enfants) sont massacrées dans un déchaînement de violence inouïe.
La force de ce livre est de raconter les premiers jours de ce génocide à travers deux prismes qui finiront par se rejoindre.
Le premier, ce sont les yeux de Sacha et de Benjamin. Lorsque l'avion présidentiel est abattu à Kigali, ils étaient en route avec Daniel pour rencontrer Paul Kagame. Arrêtés par des barrages, Daniel décide de quitter Kigali pour Butare où il pense retrouver son fils Joseph et sa femme Rose. Les deux journalistes restent avec lui dans ce périple halluciné à travers le Rwanda où ils sont témoins des pires atrocités (certaines scènes sont insoutenables).
Le second, ce sont les yeux de Rose à travers les lettres qu'elle écrit à Daniel. Rose est muette de naissance. Elle est la fille du chef cuisinier de l'ambassade de France et a eu une enfance et une adolescence heureuse et protégée où l'appartenance Tutsie ou Hutue ne comptait pas. Elle a pris l'habitude d'écrire son quotidien à son mari souvent absent, dans un petit carnet qui ne la quitte jamais. Elle y consigne ses pensées, des petits riens et des sentiments ou impressions plus profondes. Elle nous fait vivre de l'intérieur l'horreur et la folie des hommes.
L'auteur alterne ces deux points de vue qui sont complémentaires et qui donnent une humanité à ces moments qui n'en ont aucune.
J'ai lu ce livre presque d'une traite, animée d'un sentiment d'urgence et d'angoisse mêlées.
C'est un roman qu'on ne peut oublier, qui laisse une impression durable, avec des personnages magnifiques.
C'est un roman d'amour : l'amour de Rose et de Daniel bien sûr, mais aussi l'amour d'une femme pour un enfant, l'amour des ces êtres déboussolés pour un pays, le pays aux mille collines.
Un livre indispensable, beau et déchirant.
🇷🇼
Un parfum de vanille et de sang 🪓❣️❣️
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