Ce que j’apprécie tout particulièrement chez Barbara Abel, c’est que le Mal et la violence de ses thrillers prennent systématiquement leur source dans la banalité quotidienne la plus totale : des enfants du même âge qui deviennent potes (« Derrière la haine »), une femme qui descend à l’épicerie en laissant son bambin seul quelques secondes (« L’innocence des Bourreaux »), une sortie scolaire (« Je sais pas »). Cette fois ci, c’est une jeune belle-mère qui surprend la fille de son chéri en train de fumer un joint et qui, voulant sympathiser avec elle, consent à garder le secret. Lorsque qu’un an après la belle-fille se retrouve au centre d’une tragique histoire d’accident sous emprise du cannabis, ce petit secret innocent va sceller le destin de toute la famille recomposée. La lecture est fluide et addictive, comme toujours. Les chapitres sont courts, bien équilibrés et laissent le temps au lecteur de bien appréhender la psychologie des personnages. Même si parfois leurs réactions peuvent paraître un peu outrancières (et certaines le sont clairement), et même inacceptables, on les comprend toujours, à défaut d’y adhérer. Le vrai sujet du roman, c’est la puissance de l’amour parent-enfant, et comment cet amour peut de muer en autre chose, une sorte de haine aveugle et irraisonnée, qui peut amener au pire. Ce n’est pas un sujet nouveau dans le travail de Barbara Abel, loin de là, mais c’est un sujet à fois efficace et universel. Il y a quelques fausses pistes et un rebondissement final plutôt inattendu, et qui fonctionne, même si sur le moment on reste un peu interloqué ! La fin, quant à elle, est terrible et cruelle. Là encore c’est souvent le cas dans les livres de Barbara Abel, mais cette fois ci, elle est un tout petit peu moins injuste que d’habitude, ou un tout petit plus morale, si on veut voir les choses ainsi. « Je t’aime » (le titre très « bateau » n’est pas génial, j’en conviens) est un bon petit roman noir efficace, agréable à lire et difficile à lâcher, surtout dans les derniers chapitres où les évènements se succèdent et les révélations aussi. Ce nouveau roman conforte l’auteure Barbara Abel en tant que fine observatrice de la banalité du Mal « à hauteur d’homme » et de l’animalité qui sommeille en chacun de nous. Chez elle, le pire peut advenir dans la vie de tout à chacun, il suffit d’une circonstance, d’une étincelle, d’un rien du tout. C’est aussi efficace que c’est anxiogène !
La banalité du Mal
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