Chris5867- 23/06/2022

L’enfer du Goulag

Deux histoires en parallèle, qui semblent n’avoir absolument aucun rapport entre elle. D’un côté un tueur en série sur le point d’être exécuté en Floride en 1991. Tout au long de sa dernière nuit, il raconte à un aumônier qu’il ne faisait qu’obéir à une nature profonde qu’il ne s’explique pas (j’imagine que c’est assez classique chez ce genre de tueur psychopathe). De l’autre côté un savant soviétique spécialiste de la physique quantique qui, en 1933, se retrouve broyé par la machine totalitaire de son pays pour une broutille et qui est envoyé au goulag en Sibérie, pendant que sa femme et son fils essaie d’échapper aux sbires du régime. Ces deux histoires vont cohabiter dans le roman de Pierre J.B. Benichou, de manière très disproportionnée (la seconde prenant nettement le pas sur la première, en terme de pages) et on passe 400 pages au bas mot à se demander où et comment elles vont se croiser, se rejoindre, comment l’une va éclairer l’autre ou inversement. Ce moment tant attendu intervient dans les dernières pages et vu que l’on a bien eu le temps d’échafauder des théories plus ou moins farfelues sur la question, on est décontenancé devant la banalité de la résolution de cette intrigue. Si l’on est de mauvaise humeur on peut se dire que le romancier se fiche un petit peu de nous et si l’on est de bonne humeur, que Pierre J.B. Bénichou nous a bien roulé dans la farine en multipliant les fausses pistes bien nébuleuses. Ce qui fonctionne dans son roman c’est toute la partie russe (la partie américaine n’est ni passionnante, ni très originale) car on sent bien que c’est les mésaventures inouïes de Timofey Petrovitch, arrêté par la police pour une absence de passeport, et qui se retrouve littéralement broyé par une bureaucratie qui n’avouera jamais avoir arrêté un savant mondialement connu presque par erreur. C’est une spirale infernale qui entraine Timofey au fond du gouffre et qui se terminera dans des conditions inimaginable (et pourtant apparemment véridique si j’en crois la postface de l’auteur) et qui en dira plus long sur la folie stalinienne que tous les beaux discours politiques. Ce qu’on peut lire dans les dernières chapitres dépasse l’entendement et fait office de piqure de rappel sur ce qu’est une dictature, ce qu’est une bureaucratie idiote, aveugle et inhumaine, et sur ce dont est capable l’Homme lorsqu’il est réduit par son prochain au rang d’animal. Rien que pour cela, plus que pour une intrigue un peu « bateau » et certains passages un peu nébuleux (ceux qui tentent d’explique la physique quantique ou la Kabbale), ce livre mérite d’être lu et laisse un souvenir fort.