Alice Burns est de retour aux Etats-Unis, blessée dans sa chair et sans son esprit par la tragédie qu’elle vient de vivre à Belfast. Elle met du temps à se reconstruire, beaucoup de temps car au début des années 70, la notion de stress post traumatique est encore mal connue. Elle se cherche puis accepte un travail d’enseignant dans le Vermont qui lui permet de remonter la pente et de commencer à reconstruire une vie personnelle et amoureuse. Ce poste d’enseignante, pour lequel elle ne pensait pas être faite, va s’avérer être le marchepied idéal pour sa vraie vocation : l’édition. Parallèlement à cette vie professionnelle qui démarre enfin, sa famille continue de s’entre déchirer jusqu’à l’explosion finale, terrible et définitive. Ce troisième (et dernier ?) tome de « La symphonie du Hasard » nous amène des années Nixon et du Watergate (dans une Amérique encore fortement marquée par les années 60) à la réélection de Reagan en 1984, et le triomphe de l’argent roi et du capitalisme décomplexé. Toute cette symphonie, les trois tomes, auront servi à raconter l’Amérique contemporaine à travers le regard d’une jeune femme « baby boomer» comme il y en a eu des millions. C’est cette génération que Kennedy raconte ici, c’est aussi celle de l’auteur. On suit Alice dans sa reconstruction, elle qui cherche un but à sa vie professionnelle et personnelle. Il n’y a pas d’intrigue au sens strict du terme, mais cela n’empêche pas le roman de fonctionner comme ses deux prédécesseurs. Il y a deux choses qui aident à ce que la magie opère. La première, c’est le contexte et le fait que Douglas Kennedy nous raconte l’Amérique, les années Nixon e t la fin du Vietnam, les années Carter, la crise des otages, l’élection de Reagan et les débuts du SIDA, l’avènement de l’argent roi et de Wall Street. Tous ces événements s’imbriquent dans la vie d’Alice, orientent ses choix, et scellent en parti le sort de la famille Burns. C’est le second point fort du roman, la famille dysfonctionnelle comme un cas d’école. Depuis le départ, on sent la famille Burns toujours à la limite de la l’explosion. Jusqu’ici, ça tanguait sévèrement mais ça restait à flots. Dans ce troisième tome c’est l’explosion, le point de non-retour est atteint. Et l’étincelle vient de la rivalité fratricide entre les deux frères d’Alice, l’intello de gauche et le yuppie de Wall Street. On ne peut pas être si différents sur le fond sans que cela n’aient des conséquences un jour, c’est le message de ce troisième tome. Entre les deux frères, Alice doit enfin apprendre à se préserver et à ne plus prendre les balles perdues. Cette autopsie de la famille version Kennedy, aux antipodes de l’image parfaite de la famille américaine, fait mouche parce qu’elle sonne juste. Je ne sais pas si « La Symphonie du Hasard » connaitra une suite : le dernier chapitre est ponctué d’un « à suivre… » que je me garderais bien de prendre pour argent comptant. Mais même si elle devait d’arrêter là, cette saga familiale toute simple s’avère être, à mon sens, un tournant dans le travail de Douglas Kennedy. Jusqu’ici, il avait toujours suivi un schéma narratif immuable : un personnage à qui tout réussi tombe de haut et se relève doucement, en trouvant un nouvel équilibre plus sain. Alice Burns déroge à ce schéma, et c’est aussi cela qui fait l’intérêt de « La Symphonie du Hasard » pour qui aime le travail de Douglas Kennedy.
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