A la fin du premier tome de « La Symphonie du Hasard », Alice Burns coupait les ponts avec sa famille dysfonctionnelle, son chagrin d’amour et l’Amérique en postulant pour une année universitaire à Dublin. Ce deuxième volet se déroule donc presque entièrement en Irlande, avec juste deux petites incursions à Paris et en Irlande du Nord. Alors qu’elle tente de s’acclimater à cette culture si différente, Alice voit ressurgir une vieille connaissance (je ne dis pas qui, c’est une vraie surprise, et elle est assez vilaine !) qui va lui ramener les évènements du Chili en pleine face. En sait, quand on a lu le tome 1, que le père d’Alice et un de ses frère se fourvoient avec Pinochet, on n’imaginait pas à quel point. Et son frère ainé, lui, est plutôt dans l’autre camp, et va connaitre les geôles du régime dans un chapitre flash back glaçant. La faille béante dans la famille Burns a peut-être atteint le point de non retour. Et puis il y a l’Irlande des années 70, une Irlande en guerre, à fleur de peau et encore très pauvre économiquement. Alice va devoir s’y habituer, y nouer des amitiés et des inimitiés, et affronter la violence : celle de l’IRA, celle de unionistes qui d’attentats en représailles font régner une terreur sourde dans ce tout petit pays. Ce deuxième tome semble être une sorte de transition entre une jeune femme encore insouciante et celle qui reviendra d’Irlande, une femme plus forte mais irrémédiablement brisée. La fin de ce deuxième tome, son tout dernier chapitre est terrible, et malheureusement je le voyais venir depuis quelques pages. Du coup, impossible de deviner de quoi sera fait le dernier tome : après une fin comme celle là, tout est envisageable. Douglas Kennedy, en vieux briscard, sait y faire pour raconter le destin des femmes (ses meilleurs romans, de mon point de vue, sont ceux racontés d’un point de vue féminin comme « La Poursuite du Bonheur », « Mirage » ou « Une relation dangereuse ») et nous y associer. Le style est agréable et même s’il y a quelques longueurs, le roman se lit facilement. On se sent en empathie avec Alice, son caractère bien trempé, ses engagements et ses combats. Je n’aimerais pas avoir à gérer une famille explosée comme la sienne, ou elle semble de moins en moins faire office de trait d’union pour pencher de plus en plus vers Peter, son frère ainé, l’idéaliste, le paria. Mine de rien, le roman nous en apprend beaucoup sur ces années de plomb qui minèrent l’Irlande et l’Irlande du Nord (le court chapitre qui s’y déroule sent la poudre, c’est étouffant) et qui virent les attentats tuer à tour de bras, au cœur de l’Europe, au cœur du Royaume Unis. On l’a sans doute un peu oublié aujourd’hui mais les voitures piégées, les bombes dans les hôtels et dans les rues n’ont pas été inventées après le 11 septembre ! L’IRA et les Unionistes, des fous radicalisés, ultra violents et prêts à tout pour arriver à leur fins ont mis ce tout petit pays à feu et à sang, c’était il y a moins de 50 ans à quelques heures de Paris. Cette « Symphonie du Hasard » est décidément une œuvre protéiforme, car rarement Kennedy ne s’était avancé si loin dans le domaine de l’Histoire et de la politique, à part quand il avait longuement évoqué le Maccarthysme dans « La Poursuite du Bonheur ». Qu’adviendra-t-il d’Alice Burns après la fin abominable de ce deuxième opus ? A suivre …
L’Irlande pour le meilleur et le pire
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