Théo à pris 4 ans fermes, pour avoir tué une jeune femme dans un accident de la route en état d’ébriété. Incarcéré, il reçoit régulièrement la visite du veuf, Pierre Moulins, qui promet de l’aider à obtenir sa conditionnelle s’il accepte encore et encore de raconter les derniers moments de son épouse. Ce que Théo ignore, c’est que Pierre Moulins paye en sous-main le caïd de la prison pour tabasser régulièrement Théo, et qu’il n’a aucune intention de l’aider, au contraire. Enfermé dans sa rancœur et ses certitudes d’homme libre, Pierre Moulins joue un jeu délicat avec des joueurs bien plus dangereux qu’il ne le croit.
Les romans « carcéraux » finissent mal… en général ! Le roman carcéral est un genre bien à part dans le thriller, et j’en ai déjà lu plusieurs, et à chaque fois le même malaise palpable. C’est normal, la prison est un endroit que 99 % d’entre nous croient connaitre, mais en réalité nous n’avons pas réellement l’envie de savoir ce qui s’y passe vraiment. Pour nous faire entrer en détention malgré nos réticences, il faut compter sur les écrivains. Nicolas Lebel, qui ne s’était pas encore frotté au genre, propose ici une histoire de vengeances très malsaine, en 5 actes. Le roman est écrit comme une pièce de théâtre, avec même des annotations de mise en scène, comme si ce qui se déroulait sous nos yeux de lecteurs avait tout de la tragédie grecque. Assez court et facile à lire, si l’on met de côté la noirceur du propos qui peut plomber un peu, Lebel nous raconte l’histoire d’un homme jeté dans une fosse au lion qui va le broyer. Théo, c’est vous, c’est moi, c’est l’homme lambda qui n’aurait normalement rien à faire entre 4 murs mais voilà, il y est suite à un accident de voiture. Lui le littéraire, l’instruit, le jeune père de famille se retrouve à côtoyer de bien trop près la maladie mentale, l’islamisme radical, le grand banditisme, la violence pure et la violence d’Etat d’une institution pénitentiaire qui détourne le regard. De l’autre côté du mur, un homme libre bien plus pervers, bien plus dérangé que l’homme prisonnier. Immédiatement Pierre Moulins nous est antipathique. Il est victime de la mort de sa femme mais plus on avance dans le roman, plus son statut de victime s’amenuise comme un glaçon laissé en plein soleil. Sa vengeance malsaine se retourne contre lui, et on finit par se dire que ça n’est que justice. Façon de parler car la Justice, il n’en n’est quasiment jamais question, c’est la grande absente du roman et pour cause, dans « Peines Perdues » il n’y a que de l’Injustice. Personne ne sortira indemne de cette histoire, on le pressent d’emblée et le moins que l’on puisse est qu’on n’est pas déçu ! Les personnages, à l’exception de Théo et de Moulins, sont tous très ambivalents. Que ce soit Moussa (le compagnon de cellule), Minotti (le caïd), Amine (l’islamiste), Abdel (la surveillant) ou tous les autres prisonniers et gardiens, on ne sait jamais réellement si on doit les détester ou les plaindre, cela dépends des scènes, cela dépend des actes, parfois nos sentiments envers eux changent du tout au tout d’une page à l’autre. Je l’ai dit, le tout est d’une noirceur d’encre de Chine, mais Nicolas Lebel ne laisse pas l’injustice l’emporter totalement. La fin du livre est d’une très cruelle ironie. Très crédible, douloureusement crédible je dirais même, « Peines Perdues » mérite bien ce joli titre à double sens et 4 étoiles.
Tragédie carcérale
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